Par Paul Groisard - A une dizaine de milles au large des côtes de Vendée, entre golfe de Gascogne et péninsule armoricaine, l'île d'Yeu est sans conteste le principal haut lieu de la pêche au germon, ou thon blanc de l'Atlantique. Pratiqué dès le début du XVIlle siècle — c'est-à-dire bien avant Concarneau, Etel, Les Sables, ou même Groix — le métier de "germoneux" y garde aujourd'hui tout son dynamisme, alors qu'il a régressé partout ailleurs. Mais les techniques de pêche actuelles aux filets dérivants et surtout la vie quotidienne des marins islais à bord d'unités ultra-modernes n'ont plus rien de commun avec celles du temps de la voile, quand l'île armait une splendide flotte de dundées pêchant aux lignes traînantes. Curieusement, cet apogée de la pêche au germon a été peu étudié à l'île d'Yeu et le document qui ouvre cet article en est d'autant plus précieux. Il s'agit des mémoires posthumes de Paul Groisard, ancien patron pêcheur embarqué aux dernières années de la voile, que sa famille a tenu à confier au Chasse-Marée, accédant à la demande de nombreux jeunes marins de l'île qui souvent ignorent tout de ce passé pourtant si proche. La seconde partie de cet article qui relate le témoignage de Louis Delavaud, autre ancien patron de l'île d'Yeu, illustre la permanence du sentiment religieux dans certaines communautés maritimes. Cinquante ans après les faits, Jean-François Henry, historien de l'île, brosse le portrait de ce marin qui est convaincu d'avoir par deux fois échappé au naufrage parce que son dundée était placé sous la protection de Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus.