Par Danièle Lamotte - L'histoire de Kurun ressemble à une fable dont la morale serait un éloge de la fidélité. Alors que les marins actuels changent de monture comme de chemise, Jacques-Yves Le Toumelin est l'homme d'un seul bateau. Après son tour du monde (1949-1952), l'idée de faire construire un plus grand voilier l'a bien effleuré, mais il n'a pu se résoudre à se séparer de son compagnon de route et est reparti avec lui aux Antilles (1954-1955). Mieux : lorsqu'il met définitivement sac à terre, il repousse avec une belle constance les alléchantes propositions d'achat et conserve jalousement son Kurun dans un hangar, pendant une trentaine d'années. S'il finit par le céder, pour un franc symbolique, à la ville du Croisic, c'est avec la promesse que son cher bateau resterait attaché à ce port qui l'avait vu naître. Et le plus beau est que ce sont ses amis d'enfance qui ont payé de leur personne pour le restaurer. Cette aventure humaine édifiante est évidemment inspirée par la personnalité de Jacques-Yves Le Toumelin dont la modestie n'a d'égale que l'obstination à défendre un certain art de naviguer comme au temps de la voile, en mesurant ses risques, en prenant son temps et en gardant les yeux grands ouverts sur le monde.