Par Gwendal Jaffry - Le Village bois du Grand Pavois se mérite ! Poids financier faisant loi, les grands de l'industrie nautique sont comme à l'accoutumée aux premières loges. Le visiteur doit arpenter longuement les quais pour découvrir nos chantiers artisanaux, coincés entre les barnums de restauration et l'espace des pneumatiques... Certes, le Village bois est fort convivial et bien identifié, mais qu'en coûterait-il de le rendre plus visible? Les artisans du bois auraient beaucoup à y gagner, et les visiteurs découvriraient non plus par hasard un univers qu'ils méconnaissent et qui saurait les séduire. D'autant que, cette année, les bateaux exposés étaient de qualité, avec une offre variée qui comptait bon nombre de nou­veautés, à commencer par le Lolita du chantier MER. "J'ai reçu la commande d'une yole de mer qui puisse recevoir un gréement, explique Gilles Montaubin. C'est ainsi que j'ai conçu ce bateau de 4,90 m de long pour 1,38 m de large et un poids de 66 kg. La coque est en contre-pla­qué, les listons en iroko et les serres en red cedar." Depuis de nombreuses années qu'il réalise ce type d'unités, Gilles Montaubin a développé des bateaux résolument modernes et très performants. Sur Lolita, il a particulièrement travaillé le profil du safran et l'angulation automatique de la dérive-sabre, qui améliore le cap au près. Le puits est de forme trapézoïdale, avec le côté large vers l'avant, ce qui permet à la dérive de s'anguler seule sous la pression des filets d'eau. Quant au gréement, il s'agit d'une voile au tiers de 9 m2 dotée d'une vergue en carbone. Gilles compte néan­moins proposer une voile à enroulement, comme sur ses dernières créations. Quelques pas plus loin, voici le clan de Fouras: l'Atelier lignes d'eau, le chantier d'Alexandre Genoud et la voilerie d'Anne Renault, les deux derniers occupant dé­sormais l'ancien bâtiment du premier, qui a déménagé quelques mètres plus loin depuis la vente de la quincaillerie de marine A l'abordage, aujourd'hui installée à La Rochelle. Anne Renault a créé sa voi­lerie en juillet 2004, après quatorze années d'artisanat vagabond. Depuis son installation, Anne a confectionné la garde-robe du yacht métallique Vezon, celle du bateau mytilicole Boucholeur, celle du canot de l'Hermione, réalisée dans le style XVIIIe, sans parler des voiles de nombreux canots voile­ aviron. "Je propose mes services en voile­ rie traditionnelle sur coton, coton-polyester ou clipper, pour des bateaux de travail ou de plaisance, explique-t-elle, de la découpe aux finitions, pattes à cosses, œillets et ralingues cousus main... " Cela fait également un peu plus d'un an qu'Alexandre Genoud, le constructeur du magnifique Camden (CM 168), s'est ins­ tallé à son compte. Parallèlement à des res­taurations, il s'est attaqué à la construction de l'indigo, un day-boat à cabine qu'il a conçu avec Jean-François Garry. "J'aime bien ses bateaux, explique Alexandre, mais je voulais une silhouette plus typée, plus affinée, plus agressive. Je souhaitais un bateau esthétique, dont les performances et la sécurité soient comparables à celles des unités modernes, tout en étant finan­cièrement abordable. Une fois qu'on a cerné les grandes lignes du projet, Jean­ François s'est mis à sa planche à dessin." Le résultat est un bateau de 5,70 m de long, pour 1,90 m de large et un tirant d'eau de 0,30/1,20 m, doté d'une quille relevable avec un lest de 180 kg qui porte le déplacement à 480 kg. L'indigo est construit en contre-plaqué époxy et bois massif, mais Alexandre Genoud le propose également bordé en mélèze ou en acajou. Le bateau est gréé en bermudien 7/8è avec une surface de voi­lure de 21 m2 auxquels peuvent s'ajouter les 19 m2 d'un spi asymétrique envoyé sur un bout dehors rétractable . Le chantier propose aussi une voile houari. La petite cabine abrite deux bannettes et un réchaud. L'indigo, facile à échouer et trans­ portable sur remorque, est commercialisé 24800 €. Dans la lignée de ce dessin, l'ar­chitecte et le constructeur proposent éga­lement deux autres plans, le Cobalt, un croiseur de 6,70 m de long, et le Cyan, un dériveur de 4,70 m. L'Atelier lignes d'eau présentait quant à lui deux nouveautés, dont le Nôle, un canot à dérive de 3,50 m de long pour 1,50 m de large et 0,20/0,80 m de tirant d'eau. Construit à clins larges de contre-plaqué et en bois massif, il peut être gréé à misaine ou en houari, la surface de voilure totalisant 6,5 m2. "Avec ce plan, explique le concepteur, je suis toujours dans ma recherche du bateau minimum. C'est une coque de 90 kg conçue pour la promenade ou la pêche sur plans d'eau abrités, qui peut être propulsée à la voile, à l'aviron ou par un moteur hors­ bord thermique ou électrique." Quant à l'Oya, l'autre nouveauté du chan­tier, on ne pouvait malheureusement le voir qu'en photos, le prototype, lancé en août dernier, étant resté à son mouillage. Ce petit croiseur à voûte a été conçu pour un propriétaire d'Insula qui souhaitait une unité plus grande. L'Oya mesure 6,74 m de long pour 2,40 m de large et 0,60/1,40 m de tirant d'eau. Il est construit à clins larges de contre-plaqué époxy et peut être gréé, soit en bermudien 7;se, soit en houari, la surface de voilure totalisant 24 m2. La cabine abrite quatre couchettes, un coin cuisine ainsi que de nombreux coffres et équipets. Un moteur hors-bord peut prendre place dans un puits à l'intérieur du cockpit. Avec un déplacement de 1100 kg dont 500 de lest intérieur, l'Oya est trans­ portable sur route. Ces deux bateaux sont disponibles en kit ou barre en main.

 Le bois est un matériau écologique, durable, performant, agréable à travailler et esthétique

 Chez Canotage de France, on pouvait voir le premier Seil construit "en bois d'arbre" par un amateur, preuve s'il en est que le chantier naval de François Lelièvre qui a longtemps proposé essentiellement des unités en polyester poursuit ses efforts amorcés il y a deux ans en faveur de ce type de construction. "A une époque où les industries nautiques réfléchissent à la façon de se débarrasser des vieilles coques en composite, explique-t-il, alors que le prix du pétrole ne cesse d'augmenter, on s'est souvenu que le bois était un matériau écologique, durable, performant, agréable à travailler et esthétique. Nous avons aujourd'hui cinq bateaux en bois massif à notre catalogue, qui représentent 60 % de notre chiffre d'affaires." C'est à Michel Gué que l'on doit cette belle unité bordée en mélèze riveté cuivre. "Après avoir été propriétaire d'un Juran­çon durant de nombreuses années, explique-t-il-un bateau en aluminium sur lequel j'ai d'ailleurs réalisé le pont et les emménagements en bois, je me suis mis en quête d'un nouveau bateau. Je souhai­tais qu'il ne grève pas le budget familial, qu'il soit transportable, léger et vif, tout en permettant de naviguer confortablement en famille à la journée. Le Seil m'a paru être le bon compromis. Comme je n'aime pas le polyester, j'ai demandé au chantier Canotage de France de me préparer un kit en bois massif." Skafaki (petit bateau, en grec) a été baptisé le 15 août dernier, après trois cents heures de travail, dont cent pour la coque. Grand largue exposait ses désormais fameux Stirven et Minahouet, ainsi que les plans d'une nouveauté, le Béniguet, dont le premier exemplaire sera montré au Salon nautique de Paris. C'est à l'architecte naval François Vivier que l'on doit ce canot à clins en contre-plaqué époxy de 5,85 m de long pour 2,10 m de large et 0,43/1,20 m de tirant d'eau, au déplacement de 700 kg. Le Béniguet existera en deux versions, ouvert ou avec une cabine abritant trois couchettes (pour deux adultes et un enfant), un réchaud et un WC. L'architecte a néanmoins privilégié l'espace extérieur, avec un cockpit auto-videur incluant le puits de la dérive métallique pivotante dissimulé sous les planchers. Le Béniguet est gréé en houari avec 20,30 m2 de surface de voilure. Le moteur hors-bord, placé en puits dans l'axe du safran pour faciliter les manoeuvres, peut en outre être rangé dans un coffre pour ne pas entraver la marche sous voiles. Un rangement en fond de cockpit est également prévu pour la godille, et deux espaces abaissés de part et d'autre du puits moteur permettent de poser un seau ou le matériel de pêche. Conçu en catégorie C pour cinq personnes, ce bateau sera disponible en kit ou barre en main auprès du chantier Grand largue, lequel, après avoir rencontré quelques difficultés, va à nouveau embaucher un charpentier. Si le concours Bois et bateau du Village bois avait eu lieu cette année, il est fort probable que le chantier étais Carènes aurait figuré à son palmarès grâce à son magnifique Bahama 20, un canot à moteur conçu par le charpentier Jacques Audoin et Bruno Gandolphe, sélectionné olympique en 1984 en Flying Dutchman et propriétaire du monotype rochelais Balao. "Bruno a découvert aux Bahamas les« Utility Boats», explique Jacques Audoin, notamment ceux construits par le chantier Aldbury Brothers, des bateaux très simples mais d'une grande élégance. En France, on ne trouve pas ce type d'unités; l'offre n'existe que pour des coques en polyester surmotorisées ou des canots automobiles très chers." Jacques s'est chargé du dessin de la coque à clins, reprenant l'essentiel du concept d'Aldbury, notamment les banquettes des passagers en avant du barreur et la simpli­cité générale des emménagements. Le Bahama 20 mesure 5,97 m de long pour 2,02 m de large et 470 kg de déplacement. Il est construit en contre-plaqué époxy avec un tableau et des hiloires en acajou et des planchers en pin. "Pour la propulsion, poursuit le patron de Carènes, nous avons retenu une motorisation hors-bord, d'une part pour une question de prix, d'autre part pour conserver la possibilité de moduler la puissance, et enfin car une transmission en « Z-drive » nous aurait obligés à dessi­ner des formes arrière plus massives. Avec un moteur de 75 ch, le canot navigue à plus de 35 n sur mer plate." Le Bahama 20 est commercialisé 40000 €, un prix attractif au regard de l'intelligence de conception et de la très grande qualité de construction de ce canot simple et esthétique.

De la salle de bains aux bateaux en teck importés de Birmanie

Plus loin, c'est un nouveau chantier que nous avons découvert: Westwood Yach­ting, qui présentait trois étonnants bateaux à clins en teck. "Notre société existe depuis dix-huit ans, explique Hervé Nollet, son directeur. Il s'agit d'une agence d'archi­tecture au sein de laquelle nous réalisons des produits de style nautique, comme des salles de bains en teck. Forts de la connaissance de ce matériau, nous avons monté un chantier naval au Myan­mar (Birmanie) il y a un an et demi. Là, nous construisons des bateaux 100 % teck à clins rivetés cuivre avec un accastillage bronze, cette technique représentant à notre avis le meilleur moyen de mettre en valeur le travail du bois." Le chantier exposait deux annexes de 2,40 et 3 m ainsi qu'une chaloupe de 7 m à l'es­ thétique très hollandaise, propulsée par un diesel Volvo de 29 ch pour un poids de 1600 kg. "Nos annexes sont commerciali­sées entre 7500 et 9700 €, et les chaloupes entre 65000 et 97000 € selon les options. Ces bateaux ont été dessinés par François­ Joseph Van Dinh, un Vietnamien employé du chantier qui a plus de quatre cents plans à son actif. Cela dit, nous avons beaucoup d'autres projets en cours. En fait, notre seule limite concerne la taille des bateaux, dont le maître-bau ne peut excé­der 2,56 m, la largeur maximale d'un conteneur pour les exporter." Enfin, l'Atelier bois courbe présentait l'Aria, adaptation moderne d'un skipjack américain de 1877. Son architecte, Jean-Yves Poirier, a délibérément privilégié les performances en dessinant cette coque de 6,45 m de long pour 2,50 m de large, 0,50/1,10 m de tirant d'eau et 1280 kg de déplacement, dont 376 de lest. "La vitesse, la manœuvrabilité et la remontée au vent, explique-t-il, sont les éléments de sécurité et de confort essentiels à la randonnée côtière." L'Aria, qui porte 37 m2 de surface de voilure, est ainsi doté de deux dérives latérales angulées de 3° vers l'intérieur. L'ab­sence de puits central libère d'autant l'es­ pace de la cabine, qui abrite deux bannettes, des équipets et un réchaud. Si la coque est en contre-plaqué époxy, plats-bords, hiloires et fougère sont en sapelli, tandis que le pont est latté en pin d'Oregon. L'Aria est com­mercialisé 57930 €, remorque comprise. Ce tour d'horizon des nouveautés montre bien le dynamisme des chantiers bois, même si le métier demeure exigeant pour les constructeurs. Lorsque le patron du chantier Madiana a décidé d'arrêter son activité pour raisons personnelles (CM 182), il avait deux années de com­ mandes devant lui!