Authentique jésuite bien qu’un peu pirate  sur les bords, le père Jaouen le clame haut et fort : « Le patrimoine, c’est bon pour les musées ! »  Lui, ses bateaux, il préfère les faire naviguer.  Le « Bel Espoir » et le « Rara Avis » sont ainsi entrés dans la légende pour avoir vaillamment servi  le combat qu’il mène depuis les années cinquante avec son association des Amis de jeudi-dimanche. En ce gris dimanche de décembre, le Bel Espoir et le Rara Avis (l’Oiseau Rare), amarrés à couple dans le port de Brest, tirent sur leurs aussières pour tâter du grand large et accomplir leur transatlantique annuelle. Les miches de pain voltigent depuis le quai sur les ponts, les caisses de victuailles traînent autour des cambuses, les sacs s’empilent dans les carrés et certains, assis sur un rouf, épluchent déjà les légumes pour la soupe du soir, au milieu des embrassades générales. Michel Jaouen, pour la première fois depuis 1971, restera sur le quai ; la nouvelle une fois confirmée, la déception se lit sur de nombreux visages. Né breton et marin, Michel balaie l’affaire d’un revers de ciré : “J’ai une petite à Paris qui ne va pas bien, j’aime autant retourner auprès d’elle.” Sa pudeur est aussi impénétrable que les voies du Seigneur.