Par Dominique Lebsohn - Dans la dernière décennie du XIXe siècle la grande idée d'une plaisance populaire est dans l'air et le monde du yachting cherche à recruter de nouveaux adeptes. Pour imaginer le bateau minimum accessible à toutes les bourses, les tenants d'un yachting classique, orthodoxe pourrait-on dire, choisissent de miniaturiser les grands yachts avec tous leurs attributs architecturaux, guibre, voûte, lest, fort déplacement, pontage... tout en conservant des qualités nautiques suffisantes. Cette démarche qui inspire la conception du Morbihan prend ses sources à l'opposé de celles du monotype d'Arcachon (voir numéro précédent) et ses défenseurs affichent sans équivoque un franc mépris pour tout ce qui ressemble à un canot. L'histoire ne leur a pas donné raison : le dériveur léger moderne naîtra d'une évolution des canots de service, et le Morbihan ne sera construit qu'à bien peu d'exemplaires alors qu'une flottille de monotypes d'Arcachon navigue toujours. Pourtant, si le projet du Morbihan s'enferre dans un non-sens technologique, il fut à certains égards novateur dans l'expression théorique d'une recherche de simplicité, et reste intéressant dans la mesure où il préfigure le concept de monotypie. Cette page d'histoire des idées nautiques méritait d'être présentée par quelques extraits d'articles parus à l'époque dans Le Yacht, qui forment la première partie de cet article. La seconde raconte l'expérience réalisée l'année dernière à la Cité des sciences et de l'industrie : la construction devant le public parisien d'un bateau du type Morbihan. Dominique Lebsohn, charpentier chargé de la mise en œuvre, nous livre la philosophie de ce projet, la richesse et la variété des contacts avec les visiteurs. Il tente aussi, à partir de cette aventure ponctuelle, de réfléchir à ce que peut signifier demain, l'art de construire des bateaux en bois.