Coïncidence ? Nous avons reçu récemment un courrier inquiet d'André Miossec, concepteur, entre autres, des emménagements de la Recouvrance et fin connaisseur de la marine ancienne. Le musée des Jacobins de Morlaix lui a, en effet, voici quelque temps déjà, demandé une expertise et un devis de restauration pour un modèle en très mauvais état, dont l'intérêt exceptionnel lui a immédiatement sauté aux yeux. Après enquête, il apparaît que ce bateau aurait été suspendu dans l'église de Notre-Dame-du-Mur, à Morlaix, avant l'effondrement de l'édifice. Ce modèle de facture superbe n'a pourtant rien d'un ex-voto — si ce n'est le nom peint en grosses lettres naïves à l'arrière —, même s'il ne s'agit sans doute pas d'une maquette de chantier. Le navire représenté est très original: sa construction à clins et son arrière rond sont des caractéristiques très rares pour un brick, qui n'est pas un corsaire — pas de trace d'armement —, et qui possède pourtant des formes un peu trop fines — maître-bau en V arrondi sans bouchain marqué, coulée très creuse — pour n'être qu'un honnête caboteur. Alors, un "fraudeur de Roscoff"?

En rapprochant le mode de construction du modèle et son originalité architecturale du lieu où il a été découvert, nous ne pouvons, en effet, nous empêcher d'évoquer à nouveau un nom: celui de Kerenfors, constructeur dont on connaît un brick lancé en 1820. C'est le seul chantier de Bretagne à avoir beaucoup construit à clins, dans toutes les dimensions. Au seul vu des photographies, nous estimons, avec André Miossec, que cette maquette peut remonter aux années 1810-1830. A signaler quelques curiosités, comme la guibre un peu archaïque, la double cadène en cœur et plusieurs ferrures du même style pour le ridage des haubans. Qu'en pensent les archéologues navals? Mais voilà, le musée n'a pas répondu au devis soumis, et il y a urgence. Car le problème que pose ce modèle est autrement plus grave que celui de la reconstitution de son gréement fracassé, mais complet. En effet, le bois de la coque a tellement souffert des conditions désastreuses de sa (non) conservation qu'il est déjà quasi pulvérulent. Avant toute intervention, il lui faudrait passer entre les mains de spécialistes de la chimie des bois pour être stabilisé, telle l'épave de la cogue tirée des sables de la Weser... Et pour cela, à nouveau, il nous faut le soutien des conservateurs de la DRAC, des spécialistes, des élus, des amoureux du patrimoine aux compétences particulières. D'avance merci à qui nous aidera à sauver le mystérieux brick à clins de Notre-Dame-du-Mur!  B.C.