
Propos recueillis par Margaux Rolland – Une nouvelle équipe est à l’œuvre pour la treizième édition de la Semaine du Golfe. Elle entend conserver les valeurs qui ont fait le succès de l’événement et s’inscrit dans la continuité. Houat et Hoedic rejoignent la fête, le nombre de bateaux est toujours aussi élevé et le public ne devrait pas perdre au change.
Après douze éditions, pourquoi ce renouvellement d’équipe ?
Thierry Verneuil : Il y a eu quelques remous, comme on dit, au sein du directoire. Certains membres ne se sentaient plus en phase avec son fonctionnement. Plusieurs figures historiques, présentes depuis les premières éditions, ont choisi de démissionner, ce qui a impliqué une réorganisation interne. Aujourd’hui, la nouvelle équipe est en place. Pour ma part, je suis membre du directoire depuis plusieurs années, et j’ai été nommé président récemment. Cette réorganisation n’est en aucun cas liée à une question de performance des équipes précédentes. Chacun a accompli un travail remarquable et l’édition de 2023 en est la preuve : c’était un véritable succès, il y avait un monde fou. Il faut saluer l’engagement de ceux qui, depuis vingt ans, ont contribué à faire grandir l’événement. Aujourd’hui, la Semaine du Golfe conserve son ADN : une fête maritime, organisée par des marins pour des marins. Ses valeurs fondamentales restent les mêmes, garantissant la convivialité.
Amélie Fusil : Le directoire est composé de huit membres, dont près de la moitié ont été renouvelés. J’ai rejoint la structure en tant que coordinatrice générale à plein temps. C’était un peu un moyen de lier ma passion de la voile que je pratique depuis longtemps, en croisière ou en régate, et mon ancienne profession, liée aux événements sport et aventure. Quant au Golfe, je le connais bien pour y vivre depuis vingt ans.
Aujourd’hui, je pilote une équipe composée d’un coordinateur terrestre, de deux coordinateurs maritimes, d’une coordinatrice digitale… Il ne s’agit pas de tout réinventer, mais de poursuivre avec la même exigence, tout en apportant quelques ajustements, car les choses évoluent naturellement. Par exemple, le nombre de communes est passé de dix-sept à dix-neuf, avec l’intégration de Houat et Hoedic.
Pourquoi avoir élargi le périmètre à ces deux îles qui ne sont pas dans le Golfe ?
A. F. : Plus de mille bateaux participent à l’événement, notamment des bateaux pontés et des unités classiques. L’objectif était de leur offrir l’opportunité de naviguer pleinement, et la baie de Quiberon s’y prête parfaitement grâce à ses conditions idéales pour tirer des bords.
Sur quels critères avez-vous constitué votre équipe ?
A. F. : Des membres historiques sont toujours présents. Le coordinateur terrestre, Erwan Tanneau, impliqué depuis le début, maîtrise parfaitement son dossier, tout comme le coordinateur maritime, Philippe Carrère, qui assurait auparavant la sécurité, ou encore Anne Morice. Nous avons donc choisi de nous appuyer sur des personnes expérimentées, tout en intégrant de nouvelles compétences, notamment dans le domaine du digital.

Les visiteurs viennent majoritairement de Bretagne, et surtout du Morbihan. En quoi la Semaine du Golfe a-t-elle un fort impact pour le territoire ?
A. F. : L’événement a des retombées directes et indirectes. Sur le plan touristique, c’est extrêmement important pour les hébergeurs, les restaurateurs et l’ensemble des acteurs locaux. Les retombées indirectes concernent notamment le secteur maritime : les chantiers navals tournent à plein régime. Durant l’événement, les producteurs locaux sont mis en avant. Cette dynamique représente une manne économique difficile à chiffrer précisément, mais qui dépasse les 15 millions d’euros. L’événement attire aussi un public international, avec 15 à 20 pour cent de visiteurs étrangers, parmi lesquels de nombreux Anglais et Irlandais. Et l’enjeu est d’élargir cette notoriété auprès du grand public.
T. V. : La filière maritime joue un rôle essentiel dans le dynamisme économique de la région. Son patrimoine bénéficie d’un réseau de chantiers navals en pleine expansion, contribuant à son rayonnement. En termes de notoriété, les retombées économiques sont estimées à près de dix fois le coût de l’événement, qui s’élève à 1,6 million d’euros. Ce montant inclut l’organisation de la Semaine du Golfe, sans compter les coûts périphériques supportés par les municipalités qui organisent des festivités terrestres.
Quels seront les bateaux, les invités, la thématique de l’édition 2025 ?
A. F. : Nous comptons treize flottilles, chacune encadrée par un « capitaine ». L’objectif est d’harmoniser les flottilles pour garantir une navigation fluide et cohérente. L’événement coïncide avec la reconnaissance des mégalithes de Carnac et des rives du Morbihan par l’Unesco. Nous avons décidé de mettre en avant ce thème, en attendant la réponse officielle qui interviendra dans le courant de l’été. Il y aura un stand consacré à ces structures à Vannes, ainsi que quelques visites de sites. Nous accueillerons des Vénitiens avec leurs gondoles, des Hollandais avec leurs petits bateaux de 4 à 5 mètres, ou des Irlandais avec des hookers impressionnants. Nous aurons aussi des participants du bassin méditerranéen et du Nord-Pas-de-Calais, qui navigueront et auront une place réservée dans le village. Les animations sont organisées par les communes, à l’exception de Vannes, dont nous prenons en charge l’organisation et l’animation. Le parrain de cette édition est l’écrivain Yann Queffélec, passionné de navigation et grand connaisseur du Golfe du Morbihan, et la marraine, Anne-Claire Coudray [journaliste et animatrice de TF1], originaire de Vannes.

Quelles sont les difficultés pour organiser un tel événement ?
T. V. : Deux paramètres clés influencent la réussite de l’événement : la météo et les coefficients de marée. Cette année, nous n’avons pas de chance car les coefficients sont élevés au mauvais moment…
A. F. : Il est difficile de trouver un événement plus complexe à organiser ! La Semaine du Golfe implique d’obtenir une multitude d’autorisations et exige une coordination impressionnante. L’un des aspects les plus délicats reste l’élaboration du programme maritime, car tout en découle. Une fois ce programme finalisé, nous pouvons lancer l’ensemble des animations dans les communes, les autorisations, les transferts en bus… Il est donc essentiel de le publier assez tôt et, cette année, nous sommes en avance, car il a été dévoilé dès décembre, avec une dernière version validée à la mi-octobre.
Quels sont les critères de sélection des bateaux ?
A. F. : Dès l’annonce de l’ouverture des inscriptions, les participants se précipitent : lorsque nous avons ouvert les inscriptions le 19 juin dernier, à midi nous comptions déjà 250 bateaux enregistrés ! Nous refusons malgré tout certaines unités trop modernes, qui ne sont pas dans l’esprit de la Semaine du Golfe.
T. V. : À ce jour, 4 février, nous comptons 1 400 inscrits. Il faut savoir que nous sommes contraints par le nombre de places disponibles dans les ports.

Est-ce que vous ne devriez pas être plus sélectifs ?
T. V. : C’est compliqué… Il y a vingt ans, lors de la première édition, les bateaux avaient eux aussi vingt ans de moins. Certains modèles qui, à l’époque, n’étaient pas considérés comme patrimoniaux, le sont devenus avec le temps. Cette année, nous mettrons en avant la flottille des Guépard. Ces petites plates à dérive traditionnelles du Golfe du Morbihan, capables de naviguer dans seulement 20 centimètres d’eau, sont parfaitement adaptées aux courants et contre-courants et peuvent raser les rochers. Ils seront une soixantaine.
Quelles mesures mettez-vous en place pour protéger les fonds marins, encadrer les mouillages et gérer l’impact du public ?
A. F. : Nous sommes très attachés à la préservation de notre environnement et collaborons toute l’année avec le parc naturel régional du Golfe du Morbihan et la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM). Nous sommes aussi en zone Natura 2000. Un dossier d’incidence précis est établi pour encadrer les mouillages, et mesurer les impacts en mer comme à terre. Chaque commune est invitée à désigner un coordinateur environnemental, avec qui nous organisons des réunions rassemblant la ddtm, Natura 2000, l’ofb, Bretagne Vivante… pour définir les bonnes pratiques. Des brigades veillent au respect des règles, notamment l’interdiction de débarquer sur les îles concernées par la nidification des gravelots à collier interrompu. À Houat, où la protection est particulièrement stricte, nous utiliserons exclusivement des coffres. De notre côté, nous privilégions les mouillages fixes. Enfin, un tri rigoureux sera mis en place dans tous les ports et une barge passera chaque soir récupérer les déchets des grands voiliers.

Quelle est la place des acteurs du patrimoine maritime dans l’événement ?
A. F. : Nous nous inscrivons pleinement dans un territoire labellisé Pays d’Art et d’Histoire, et profitons de la manifestation pour mettre en valeur notre patrimoine maritime. De nombreuses animations auront lieu, comme la visite d’un navire viking à Vannes ou la présentation de bateaux en peau et en jonc, organisées par les associations accueillies au village de Vannes. Ce dernier mettra à l’honneur cet héritage exceptionnel à travers divers stands, permettant aux visiteurs de découvrir des savoir-faire locaux, tels que le tannage de voiles et la charpenterie marine.
D’autres temps forts sont aussi prévus, notamment à Arzon et Port-Navalo, où un vaste espace sera consacré aux charpentiers de marine. En revanche, cette année, nous n’aurons pas d’invité d’honneur, car nous souhaitons concentrer les efforts sur les mégalithes, dont certains sont immergés, et que les marins naviguant dans le Golfe peuvent voir. ◼
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Les mégalithes en vedette
La nouvelle équipe de la Semaine du Golfe a choisi de mettre en lumière cette année les mégalithes du Morbihan. Depuis 2013, l’association Paysages de mégalithes prépare un dossier de candidature pour faire inscrire sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco cet ensemble exceptionnel datant du Néolithique. Sur un territoire de près de 100 kilomètres carrés, entre la rivière d’Étel et la presqu’île de Rhuys, ce sont en effet plus de cinq cent cinquante sites mégalithiques qui sont recensés, soit plus d’une dizaine de milliers de pierres. Les alignements de Carnac, les plus connus, en comptent à eux seuls près de trois mille sur 4 kilomètres.

Parmi les témoins de cette période, comprise entre 6 000 et 3 000 ans avant J.-C., le plus impressionnant est le grand menhir brisé de Locmariaquer qui mesurait près de 18 mètres de haut et dont les 300 tonnes auraient été déplacées de la presqu’île de Rhuys pour être dressées à Locmariaquer. De nombreux mégalithes sont aujourd’hui sur l’estran ou sous l’eau, comme la double enceinte d’Er Lannic et les alignements de Kerbourgnec à Saint-Pierre-Quiberon.
Le dossier de candidature a officiellement été déposé en janvier 2024 au Centre du patrimoine mondial de l’Unesco par l’ambassadeur de France. Ce dossier représentera le pays sur la scène internationale pour la session de l’été 2025. Les mégalithes de Carnac et des rives du Morbihan viendront-ils rejoindre Stonehenge en Angleterre ou les Orcades en Écosse, déjà inscrits au Patrimoine mondial ? Si c’est le cas, ils complèteront une liste déjà longue de mille deux cent vingt-trois trésors dans le monde, dont cinquante-trois en France. La réponse est attendue après la réunion du comité du patrimoine mondial, qui se tiendra du 6 au 16 juillet à Sofia en Bulgarie. N. C.
Le programme complet des animations autour des mégalithes – randonnées, visites accompagnées, expositions photos et dessins, stands de présentation de Paysages de mégalithes… – est à retrouver sur le site de la Semaine du Golfe.
Quelle préparation pour la Semaine du Golfe ?
Les bateaux inscrits à la treizième édition de la Semaine du Golfe, répartis en treize flottilles, sillonneront la « petite mer », et pour quelques-uns une partie de la baie de Quiberon, sur des parcours préparés par l’association organisatrice. « Ce programme maritime est différent à chaque édition, précise Philippe Carrère, chargé de la coordination maritime avec Anne Morice, car il est élaboré en tenant compte des marées et des courants. » Cette année, ils ont dû composer avec des coefficients de vives-eaux, et donc des marées basses autour de midi.

« Cela contraindra les bateaux à naviguer vers l’entrée du golfe le matin et en sens inverse l’après-midi, ajoute Philippe Carrère. Les capacités d’accueil des ports doivent aussi être prises en compte, ainsi que les animations préparées par les communes. Enfin, les capitaines de flottilles sont consultés pour varier les escales d’une édition à l’autre, l’objectif étant de faire découvrir le golfe aux marins et de permettre à tous les spectateurs d’admirer les bateaux qui naviguent. »
L’arrivée des grands voiliers le lundi à partir de 15 heures ouvrira l’événement. Le mardi verra le traditionnel rassemblement de l’île d’Arz, puis suivront trois jours de navigation sur les parcours préparés avec des arrivées en fin de journée dans les ports, où les spectateurs pourront voir les bateaux de plus près. Houat et Hoedic ayant rejoint la Semaine du Golfe, les plus grandes unités iront les saluer le jeudi, mais seule une quarantaine de croiseurs des années 1960 à 1970 y feront escale pour la nuit.
La fête se terminera par la parade de tous les bateaux inscrits, avec une sortie du golfe jusqu’à Saint-Gildas-de-Rhuys pour les plus grands, et un arrêt à Port-Navalo pour les plus petits. « À cause des horaires de marée, l’entrée dans le golfe ne débutera qu’à 17 heures. Les participants navigueront en groupes sur un parcours balisé jusqu’à leur port d’accueil, dont Vannes où sont attendus plus d’une centaine d’entre eux. » M. L.-C.
Fréquentation et retombées économiques
Un rapport intitulé « Évaluation de l’impact économique 2019 » donne des chiffres précis sur la fréquentation : ainsi, ce sont 200 400 spectateurs et navigateurs qui ont participé à l’édition 2019 : 45 pour cent venaient du territoire, 18 pour cent d’ailleurs en Bretagne, 35 pour cent d’une autre région et 2 pour cent de l’étranger. Le grand public était présent en moyenne trois jours sur la semaine (record d’affluence les jeudi, vendredi et surtout samedi), ce qui revient à comptabiliser 766 000 venues sur la fête.
Cette fréquentation a généré 14,1 millions d’euros de retombées économiques sur les communes partenaires ; les recettes engendrées par les visiteurs extérieurs aux dix-sept communes concernées en 2019 sont évaluées à un peu plus de 7 millions d’euros. Le budget de la fête, lui, s’élève à peu près à 1,5 million d’euros depuis 2017, dont 85 pour cent proviennent de subventions départementales (chiffres tirés de l’ouvrage La Semaine du Golfe du Morbihan. Vingt ans de passion maritime, Le Chasse-Marée, 2021). N. C.
Une treizième édition qui revient de loin…
Si cette édition de la Semaine du Golfe est très attendue, elle aurait bien pu ne pas avoir lieu… Peu après la manifestation de 2023, très réussie avec 1 223 bateaux et une foule de visiteurs, les deux salariés de l’association démissionnaient, mettant en cause leurs mauvaises conditions de travail. Dans la foulée, quatre membres du directoire (l’organe pilote de la Semaine du Golfe) annonçaient leur démission en soutien aux premiers… Les statuts exigeant qu’un nouveau directoire soit élu dans ce cas de figure, une nouvelle équipe émergea lors de l’assemblée générale de mars 2024.