Par Xavier Mével - Bien sûr, quand on a déjà vécu les quatre précédents millésimes, on a tendance à jouer les blasés. Le cœur se lasse à trop cogner. Et pourtant, on se fait toujours avoir, à l'émotion. Car qui aime vraiment les bateaux, les aime tous et tout le temps, les géants comme les nains, les raffinés comme les rustiques, les anciens comme les modernes. Et là, à Brest, on est servi ! Impossible de trouver ailleurs une flotte aussi diversifiée. Au port de commerce, c'est la goélette polaire Tara qui donne le ton, dont les deux têtes de mâts orange crèvent le toit des immeubles, écrivant comme des guillemets sur la page grise du ciel. A contempler cette grande coque métallique sans arêtes, échouée bien droite sur les tins du gril de carénage, on revoit les images de son hivernage dans le blizzard de l'Arctique. On pense aussi à Jean-Louis Etienne, son premier armateur, et à Peter Blake qui lui avait succédé. Voilà peut-être ce qui nous émeut tant dans les bateaux : ce sont des objets qui nous survivent. Les regarder à Brest toujours vivants, n'est-ce pas un peu retrouver les marins disparus dont ils ont porté les rêves? Car certaines unités sont marquées à vie par ceux qui les ont fait naviguer; la Sereine restera toujours le voilier emblématique des Glénans, le Kurun le cotre de Jacques-Yves Le Toumelin...