c. Roger Covey / Alamy Banque d'images

Il n’a échappé à personne que l’été fut chaud, très chaud. Et pas seulement au sens propre d’ailleurs, comme si la planète tentait une nouvelle pirouette pour nous alerter sur nos comportements délétères. Il faut dire qu’avec près de 15 pour cent de climatosceptiques parmi nos concitoyens, selon une étude publiée le 27 juin dernier par l’OCDE, le combat pour limiter la catastrophe est loin d’être gagné…

D’autant qu’à ceux-là s’ajoutent 30 autres pour cent qui constatent une évolution mais pensent que l’homme n’en est pas le seul responsable… Et on pourrait citer aussi celles et ceux qui se considèrent un peu moins concernés que leur voisin, telle une personne rencontrée récemment qui venait de prendre six avions en un mois pour ses loisirs, mais s’étranglait devant les ravages causés par les jets privés…

Sans doute sommes-nous tous un peu pareils et, qui plus est, victimes d’un marketing sociétal qui maquille à longueur de journée la réalité à coup de locutions édulcorantes, comme ce « développement durable » – ou comment faire croire qu’on peut exploiter de manière in‑ nie des ressources limitées –, lequel développement durable, une fois plongé dans la mer, se transforme en « économie bleue ». Et comme on n’arrête pas le progrès, j’ai récemment découvert qu’il existait un Institut de l’économie positive ou encore un Institut du littoral urbain durable intelligent… Espérons simplement qu’au-delà des mots, de petits pas vers le « moins pire » se font quand même, comme ces armateurs au commerce qui travaillent aux propulsions véliques (lire « La propulsion vélique auxiliaire séduit les grands armements« ), sans cacher qu’il s’agit surtout de faire des économies de ‑ fioul, mais dont on espère qu’au fond ils admirent la conviction et l’enthousiasme des constructeurs de Ceiba.

Dans le monde du nautisme, certains continuent pourtant à laver plus bleu que bleu avec un aplomb certain. À quelques semaines de la Route du Rhum, et tandis que pas une quinzaine ou presque ne passe sans qu’on annonce la mise à l’eau d’un Imoca, la communication des teams insiste sur leur souci environnemental, parfois d’ailleurs jusqu’au ridicule comme cette attachée de presse qui écrit : «Disparition de près de 90 pour cent des plantes à  fleurs dans le monde, disparition de la plupart des fruits et légumes, disparition de nombreux oiseaux/insectes/petits mammifères, aliments de faible qualité (y compris les épices et le cacao), explosion des prix avec une inflation galopante… Ce scénario digne d’un film catastrophe pourrait devenir une réalité si les abeilles continuent à disparaître ! » Avant de nous annoncer que son skipper vient d’inaugurer trois ruchers… Il en faudra un peu plus pour nous faire oublier l’usage de matériaux de construction parmi les plus polluants, sans oublier les milliers de kilomètres sur route et les va-et-vient des bateaux d’accompagnement que génèrent ces projets… aussi bénéfiques aux abeilles soient-ils.

Bien entendu, on pourrait leur suggérer que, pour mieux préserver la planète, il leur suffirait juste de ne pas la sillonner. Mais ce serait oublier la part de rêve, la recherche technique… En revanche, pourquoi ne pas être plus franc dans le propos et assumer son impact en le confrontant à ses apports ? Pourquoi ne pas limiter davantage le nombre de concurrents ? Et puis, pourquoi persévérer en fait dans un vieux modèle sportif plutôt que d’en imaginer un nouveau plus… « durable » ?

Roland Jourdain, ce coureur qui tente de faire vraiment bouger les lignes en travaillant autour des biocomposites, le résume d’une belle manière dans un podcast* que nous venons de lui consacrer : « La planète, c’est un bateau ; son équipage augmente et les ressources dans les cales diminuent… Sur aucun bateau dans le monde cela se passerait en toute quiétude. Il est temps de changer de cap. Comment on fait ? J’en sais toujours rien mais… on essaie ! »

*Le podcast de David Sabatier, produit par Le Chasse-Marée, « Gens de Mer » est à retrouver sur notre site dans la rubrique Podcast

Gwendal Jaffry