À la fin de l’été 1826, John Mallord William Turner embarque à Brighton pour la France. Dans ses bagages, le peintre de cinquante ans emporte ses habituels carnets de dessins auxquels il a ajouté des feuilles d’un papier gris-bleu, nouveauté dénichée chez un papetier de Bath, qu’il plie en petits livrets. En tout, un millier de pages à remplir de croquis et de notes pour alimenter son travail de peintre et de graveur…

Turner atteint Nantes à la fin septembre pour réaliser son projet : remonter la Loire et dessiner ses paysages, peu connus du public britannique. Le 3 octobre, à l’aube, il embarque, multipliant les croquis jusqu’à l’arrivée, à la nuit, à Bouchemaine, puis Angers. Il poursuit en diligence jusqu’à Saumur, qu’il atteint le 6, et traverse la Touraine après un bref séjour à Montsoreau. Il croquera au passage Tours, Amboise, Blois et Beaugency, pour finir à Orléans.

Les notes de ce voyage donneront naissance à plusieurs séries de vues et de gravures publiées dans les années suivantes, ainsi qu’à une grande huile sur toile au moins. Même si les petits croquis et les esquisses de 1826 n’étaient pas destinés à la publication, on peut y trouver, dans des atmosphères et des lumières inchangées, le témoignage de la batellerie et de la vie du fleuve, alors à l’aube de grands changements : le Louis Guibert, à bord duquel Turner embarque à Nantes ce 3 octobre, est l’un des tout premiers mis en service sur le fleuve.