C’est un film comme une rêverie lente et humide, dans lequel on s’immerge avec les yeux autant qu’avec les oreilles. On en sort un peu chancelant, pas sûr de savoir sur quelles mers et à quelle époque on a caboté. Pendant trois ans, le réalisateur Huw Wahl a embarqué avec une caméra 16 millimètres à bord de voiliers ayant pour seul point commun de ne pas être équipés de moteur. Un vagabondage entre les côtes anglaises, les Pays-Bas et les fêtes maritimes de Douarnenez qui invite à une réflexion sur la technique, l’écologie mais aussi l’effort et le plaisir.

Le film débute à bord du lougre Guide Me, dans une séquence aux plus près des mains et des visages. « Il me semble que naviguer, c’est bien plus qu’aller d’un point A à un point B, commente Judy Brickhill, qui a voyagé une grande partie de sa vie à bord du lougre avec mari et enfants. Aucun voyage n’est prévisible, aucun rivage identique, et ce sont précisément ces incertitudes qui aiguisent nos sens et nous maintiennent en éveil. » Suivent un des plus anciens oyster boats de Falmouth, Katrina, toujours utilisé pour le dragage d’huîtres, Tres Hombres et ses expériences de fret à la voile, Blue Mermaid, réplique d’une barge de la Tamise et voilier-école à la fondation Sea-Change, ou Defiance, bateau de la sœur du réalisateur, Rose Ravetz.

Fidèle à la caméra analogique, le réalisateur a trouvé de nombreux points communs entre sa pratique et celle des marins rencontrés : « Il faut être obstiné et résistant pour choisir de filmer ainsi, il faut aussi savoir anticiper, être attentif, présent, tout comme il faut l’être pour naviguer sans moteur. » Aussi soigné que l’image, et réalisé à partir de prises de son multiples, y compris avec des hydrophones, la bande-son contribue à sa délicatesse.

En Angleterre, Wind, Tide and Oar a suscité des discussions animées après les projections, ce qui a réjoui le réalisateur. Huw Wahl veut bousculer, et inspirer. Moins directement politique que son précédent film, consacré à un poète anarchiste, Wind, Tide and Oar n’en reste pas moins un éloge de la lenteur et de l’attention à ce qui nous entoure, antidote à bien des maux contemporains. « Naviguer sans moteur, cela ressemble à une composition musicale, témoigne Steve Hunt, à bord de son ketch Birubi. C’est un dialogue avec le monde, une chorégraphie complexe et merveilleuse. » Virginie de Rocquigny

Le film devrait être prochainement distribué en France. Un livre publié par The New Menard Press l’accompagne. Il est disponible sur le site : windtideandoar.com

Publié Le Chasse-Marée 346 – Août-Septembre 2025