Clarisse Cremer célèbre son arrivée à l’édition du Vendée Globe 2021. Elle détient le nouveau record féminin du tour du monde en solitaire et en monocoque. © Sipa USA/Alamy Banque D’Images

Au temps du yachting et des premières régates, les femmes n’étaient pas exclues, même si elles étaient peu nombreuses, Virginie Hériot faisant figure d’exception. Bien plus tard, l’Allemande Edith Bauman est la première femme à s’inscrire en 1968 à une course au large – la troisième édition de la Transat en solitaire. L’opinion publique se montre alors très critique et tourne en ridicule la décision de la jeune femme de vingt-sept ans de traverser l’Atlantique seule.

Après les victoires emblématiques de Florence Arthaud ou d’Helen McArthur, le milieu de la course au large a toutefois dû se rendre à l’évidence : les femmes sont capables de faire aussi bien que les hommes dans ce domaine. Mais une étude menée par le World Sailing Trust – une fondation créée en 2018 en soutien à la voile sportive – rappelle que l’édition 2016-2017 de la Louis Vuitton Cup-America’s Cup ne comptait aucune concurrente ; elles étaient seulement 10 pour cent sur la Rolex Fastnet, 7 pour cent sur la Transat Jacques Vabre de 2019, 4 pour cent sur la Route du Rhum, et 21 pour cent sur le Vendée Globe 2021.

Cécile Le Bars et Philippe Lacombe signalent, dans un article d’Ethnologie française (« Les navigatrices de course au large. Une socialisation professionnelle spécifique », PUF, 2011), qu’elles sont plus présentes dans les épreuves en solitaire qu’en équipage. Outre les préjugés sur leur moindre force physique et mentale, elles nuiraient à la bonne entente du bord : une femme créerait des troubles parmi les hommes, tandis que plusieurs femmes se disputeraient sans cesse ! Selon les auteurs, la présence de femmes dans les courses en solitaire serait aussi favorisée par le fait qu’elles obtiendraient plus facilement des financements : « Peu nombreuses, “figures de proue” extraordinaires dans un monde social androcentré, les femmes coureurs au large disposent d’un capital symbolique privilégié par les journalistes et, par conséquent, les sponsors. »

Quand elles ne naviguent pas en solitaire, les femmes ont tendance à former des équipages entièrement féminins, créant souvent l’événement médiatique. On pense notamment à la Team SCA de l’édition 2014-2015 de la Volvo Ocean Race, où Samantha Davies a recruté onze équipières. Les organisateurs de la Volvo Ocean Race ont d’ailleurs ensuite décidé d’instaurer un système de quota pour favoriser la présence de femmes dans les équipages masculins. Non sans susciter des critiques : certains craignent en effet qu’ils n’abaissent le niveau général ! Il y a encore un peu de chemin à faire…

Extrait des compléments à l’entretien avec Angèle Grövel « Les femmes perturberaient l’entre-soi masculin« , publié dans le Chasse-Marée n°329 en octobre 2022.