En 2009, la municipalité de Tainan a conçut le projet de reconstituer une jonque du temps de Koxinga. Jeng-Horng Chen, professeur au département d’ingénierie des systèmes et de mécatronique navale de l’université nationale Cheng Kung de Tainan et membre du panel d’experts sollicités pour l’opération, raconte :« Les jonques de Koxinga faisaient une trentaine de mètres de long. Elles étaient parfaitement adaptées à une navigation en haute mer jusqu’au Japon et en Asie du Sud-Est. Ce n’était pas des jonques de guerre mais de commerce, armées, comportant toujours quelques canons à bord. À l’époque, on trouvait en Chine des jonques plus petites, d’une longueur d’environ 15 mètres, destinées au cabotage ou à la navigation fluviale, et de plus grands navires, de 40 à 50 mètres, qui naviguaient jusqu’en Inde.

« Des textes et des représentations anciennes de ces jonques existaient en Chine, mais ils étaient peu précis, car le savoir-faire des chantiers navals chinois se transmettait autrefois essentiellement par voie orale, de maître à apprenti. En revanche, les autorités portuaires d’Hirado et de Nagasaki avaient mis au point un système d’enregistrement des navires faisant escale chez elles, comportant leur description et leur reproduction détaillées, au moyen de dessins annotés. L’un de ces dessins, conservé par le musée d’Hirado, ville natale de Koxinga, représentait l’une des jonques de sa flotte, reconnaissable à l’étendard de sa famille. C’est sur ce dessin qu’un maquettiste de renom s’est appuyé pour construire une première maquette qui nous a paru tout à fait satisfaisante. Le passage à l’échelle 1 nous a pourtant placé devant une difficulté majeure : nous voulions à la fois reconstituer la jonque de Koxinga, le plus fidèlement possible, mais aussi qu’elle pût naviguer. Ce second point impliquait que l’embarcation, dont les dimensions exactes étaient de 29,5 mètres de long pour 7,26 mètres de large, satisfît aux normes modernes de sécurité, en vue de son homologation. Nous dûmes en conséquence trouver quelques compromis architecturaux, comme la surélévation du franc-bord et l’ajout d’une carlingue. Nous avons commis une autre infidélité dans le choix des matériaux : les chantiers navals de Fuzhou et Xiamen, où Koxinga faisait construire ses jonques, utilisaient essentiellement du bois de pin des montagnes du Fujian et du Jiangxi. Ne pouvant nous y approvisionner, nous avons dû utiliser d’autres essences, comme le hêtre asiatique pour la quille ou l’acacia de Taïwan pour la coque. Ultime incongruité, toujours liée à l’exigence contemporaine de sécurité : notre jonque était équipée d’un moteur auxiliaire.

« Notre réplique a bel et bien navigué… une seule fois, en sortie officielle ! Elle a démâté juste après au cours d’un entraînement et un conflit entre nous, concepteurs, le chantier naval à qui nous en avions confié la construction, et les assurances, nous a empêchés de la réparer. Elle est aujourd’hui exposée, à terre, sur un quai du port d’Anping, dans le quartier de Tainan, au cœur de l’ancienne Tai’ouan. »

À retrouver sur le site du musée, <taiwanwarship.tainan.gov.tw>.

 

Extrait de l’article Koxinga, le roi pirate de Taïwan, dans le Chasse-Marée n°326 paru en avril 2022.

Par François Boucher  – Koxinga, prince pirate de la mer de Chine, a mené le combat pour libérer Taïwan de ses occupants Hollandais au XVIIe siècle. Il fit alors de l’île à la fois une terre chinoise… et un royaume indépendant. Ainsi, Aujourd’hui, nonobstant les tensions qui les opposent, aussi bien Taïwan que la Chine populaire célèbrent Koxinga comme un héros national…