La collection à flot du Port-musée de la ville finistérienne de Douarnenez semble traverser une période troublée à cause de moyens en berne. Les coûts d’entretien et de rénovation sont élevés, et la maire de Douarnenez, Jocelyne Poitevin, a d’ailleurs quelque peu haussé le ton lors d’un conseil municipal en juin dernier, incitant l’État à agir pour sauver la flottille du Port-musée, encore sous le coup de la déconstruction du langoustier mauritanien Notre-Dame-de-Rocamadour. Et alors même que le bateau-feu Scarweather est à son tour sur la sellette ; sa réhabilitation et même son transfert vers un chantier de démolition sont si coûteux que le problème semble insoluble… Avec l’Ana Rosa qui exige également des travaux, sur les sept bateaux à quai, seuls deux sont encore visitables.

La ville de Douarnenez, qui compte 14 500 habitants, assume à elle seule près de 75 pour cent du budget du Port-musée, qui s’élève à 1 million d’euros. L’État, via la DRAC, le subventionne à hauteur de 2 pour cent, le reste provenant du département et de la billetterie. La maire a sans doute raison d’élever la voix. Mais le gouvernement actuel répétant à l’envi que nous entrons dans une période d’austérité, faut-il vraiment encore compter sur l’aide de l’État ?

À Dunkerque, un chantier de 12 millions d’euros a été lancé en 2024 pour le trois-mâts barque Duchesse Anne, propriété de la Communauté urbaine de Dunkerque (CUD), qui compte 192 000 habitants. Classé monument historique, il fait partie de la collection à flot du musée Maritime et Portuaire qui de son côté reçoit un soutien majoritaire des collectivités. « Nous bénéficions d’un soutien public constant et structurant », assure Dorian Dallongeville, son directeur-conservateur. Géré par une association Loi 1901, le musée qui expose à quai quatre bateaux en plus de la Duchesse Anne est financé à près de 75 pour cent par des fonds publics, provenant de la CUD, la ville et la région Hauts-de-France. Par ailleurs, de nombreux bénévoles s’investissent lors de chantiers d’entretien ou d’événements.

Développer des ressources propres

Cependant, le musée est aussi conscient du contexte national contraint. Il ne souhaite pas solliciter davantage d’aides publiques. Il s’agit plutôt « de conforter notre modèle en développant nos ressources propres : billetterie, boutique, mécénat et désormais tourisme d’affaires, poursuit Dorian Dallongeville. Une stratégie rendue possible par le statut associatif et la dynamique locale très favorable, sous l’impulsion de la politique de la CUD. » Elle s’inspire aussi des exemples de nos voisins scandinaves et anglo-saxons.

Sur la façade atlantique, le musée Maritime de La Rochelle peut aussi compter sur un soutien local hybride, public et associatif, pour sa collection à flot de grandes unités et celle des quarante et un petits dériveurs des années 1950-1960, dont une partie navigue encore. Pour cette collection particulière, Cristina Baron, la directrice du musée, s’est aussi rapprochée de plusieurs lieux s’occupant de petits bateaux comme l’Atelier des Barques à Paulilles. « Nous essayons de communiquer, de partager, afin de créer un réseau », explique-t-elle.

Quarante ans après le renouveau, les bateaux du patrimoine ont toujours besoin de lourds investissements pour être maintenus à flot dans les musées. Les années 2025… ne sont pas les années 1980 : l’enthousiasme, la ténacité et l’énergie qui étaient alors de mise, et qui ont porté le mouvement, semblent avoir baissé d’un bon cran, même s’il existe ici ou là encore des projets ambitieux, des propriétaires qui se battent, des associations dynamiques… et des musées qui résistent.

La question des moyens n’est sans doute pas seule en cause et c’est cela qu’il faut interroger au-delà des financements. Aujourd’hui, à nouveau, il faut trouver des synergies, une bonne articulation entre institutions, collectivités, associations et tissu professionnel et économique. À Douarnenez, la ville qui s’investit dans le Port-musée ne pourra pas seule relever le défi. Alors ? Imaginer un changement du modèle économique (boutique, billetterie, mécénat) et « repenser le fonctionnement » de la collection à flot, comme le souligne la directrice par intérim du musée Sarah Chanteux ? Cela pourrait par exemple passer par des bateaux invités ou une réévaluation de la collection. Ce ne sont encore que des pistes, « la réflexion étant un travail de longue haleine ».

Le musée pourra peut-être à l’avenir aussi compter sur une association Treizour plus impliquée depuis quelques années, entre navigations sur An Eostig et présence de bénévoles tous les étés pour les animations du musée sur les estacades. Souhaitons qu’une prise de conscience de ces difficultés suscite un retour de flamme chez tous les amoureux du patrimoine et qu’une grande réflexion s’engage sur son avenir. M. L.-C.

Photographie : Mélanie Joubert

Publié dans Le Chasse-Marée 346 – Août-Septembre 2025