Lexposition annoncée dans notre numéro 344 fait l’objet d’un beau catalogue, dirigé par son commissaire. Si les amateurs de charpente et d’architecture navale seront peut-être un peu déçus, car on en sait peu sur les galiotes, chaloupes, gondoles et pirogues qui fréquentaient les canaux conçus par Le Nôtre pour le Grand Condé, l’ouvrage demeure très intéressant pour l’histoire de la plaisance, et l’histoire tout court : à voir l’énergie déployée pour divertir la noblesse, et le coût de ces amusements, on ne doute plus une seule seconde des motivations de nos concitoyens en 1789 ! La transformation de la rivière Nonette en un grand canal laisse pantois, comme la machine hydraulique destinée à l’alimenter, « un château bâti sans doute par quelque Géant pour y captiver différentes sources en dépit de Neptune, & les forcer à se répandre dans les jardins où Flore les attend », écrit Le Camus de Mézières en 1783.

L’auteur évoque aussi construction, équipage, matériaux, matériel et luxe des décors de ces bateaux où embarquaient de nombreux musiciens lors des fêtes qui se concluaient par des feux d’artifice. Un certain Damin raconte : « Au milieu du jardin, le canal, en s’arrondissant, forme un petit port, où sont amarrées plusieurs pirogues. On peut y voguer sans redouter les vents ni la tempête. (…) Jeunes beautés, craignez toutefois de vous embarquer avec un nautonier aimable, et un cœur sensible. Plus d’une fois, dit-on, la pudeur a fait ici naufrage auprès du port. Une onde pure et limpide, des gazons frais, des ombrages solitaires… Ce sont-là de dangereux écueils ! » De ces bateaux, il ne reste rien, tandis que le château et ses plans d’eau sont, eux, toujours là… preuve de la grande fragilité du patrimoine qui nous intéresse. G. J.

Château de Chantilly-Faton, 112 p., 29 €

Publié dans Le Chasse-Marée 346 – Août-Septembre 2025