
Benjamin Melin n’est pas originaire du marais, mais il y est venu par passion et s’est installé au Mazeau comme menuisier-ébéniste il y a deux ans. Dans son atelier de la Hutte, en face de l’embarcadère de la Venise Verte, il fabrique meubles et aménagements sur mesure pour les particuliers. Dès le début, et même avant de bâtir ce projet de reconversion, l’envie de construire des batai, un terme de patois qui désigne les barques à fond plat du marais, lui trottait dans la tête : deux sont déjà sortis des copeaux, l’un de 3,40 mètres et l’autre de 4,40 mètres.
« Il n’y a plus de fabricant de batai dans le marais ni en bois ni en métal ni en plastique, ni même en ciment, ce qui était courant dans les années 1930. N’ayant pas retrouvé de plans, j’ai relevé les formes de plusieurs embarcations, recoupé leurs caractéristiques, tout en me documentant sur les techniques, et j’ai fait mes gabarits. Avec un stock de bois que j’avais, j’ai construit mes deux prototypes en chêne pour la sole, avec des bordages en niangon pour le premier et en sapin rouge pour le deuxième. J’essaierai peut-être le peuplier aussi. » Le franc-bord est de 35 ou 40 centimètres selon les batai, tous deux équipés de deux bancs, et protégés au Blacktune.
Benjamin explique qu’autrefois les gens vivaient du marais, un peu en autarcie ; les plus petits batai servaient à la pêche et à la chasse, les moyens à élaguer, entretenir la voie d’eau, chercher du bois ou des légumes dans les mottes (potagers), ou transporter des personnes ; les plus grands, qui pouvaient mesurer jusqu’à 6 mètres, servaient au transport du bétail. Aujourd’hui, les embarcations du marais, pour la plupart en métal ou fibre de verre, sont vouées à la plaisance et aux touristes qui découvrent les chemins d’eau à la rame, plutôt qu’à la pigouille, à l’ombre des frênes têtards.
« Ces batai sont un objet de cœur. J’ai eu des contacts de gens intéressés, mais qui ne se sont pas concrétisés. Si je n’ai pas de commandes, j’évoluerai peut-être vers le mode associatif, en créant une structure autour du batai pour en construire avec d’autres gens, dans le cadre d’un atelier collectif. » Cet intérêt pour le patrimoine local lui a en tout cas déjà valu le label Valeur parc, décerné par le parc naturel régional du Marais poitevin. N. C.
Publié dans Le Chasse-Marée 345, juin-juillet 2025
© Benjamin Melun