L’un des plus grands mystères de l’histoire maritime vient de connaître un nouveau rebondissement. Fin août, dans la revue The Journal of Pacific History, le chercheur australien Garrick Hitchcock a revitalisé une hypothèse ancienne selon laquelle une partie des rescapés de l’expédition La Pérouse aurait réussi à quitter l’île de Vanikoro, dans l’archipel des Salomon, où la Boussole et l’Astrolabe avaient fait naufrage en 1788.

Mystère La Pérouse
La Pérouse. © Coll ass. Salomon

« Les survivants ont pu prendre la mer avec les embarcations des deux frégates, rappelle Raymond Proner, le vice-président de l’association calédonienne Salomon, qui a mené huit campagnes de fouilles à Vanikoro (CM 147). Or, l’une des trois routes qui s’offraient à eux est celle qui passe par le détroit de Torrès, entre l’Australie et la Nouvelle-Guinée, pour rejoindre le comptoir de Coopang. » L’anthropologue australien étaye cette hypothèse en redonnant toute son importance au récit déjà connu de Shaik Jumaul, un marin indien qui a survécu au naufrage du Morning Star, en 1814, sur l’île Murray, dans le détroit de Torrès. « Pendant quatre ans, poursuit Raymond Proner, ce matelot a vécu sur cette île, dont il a appris la langue. Et les habitants lui ont parlé d’un naufrage survenu trente ans plus tôt. » Dans ce récit, publié en 1818 dans le Madras Courier, Shaik Jumaul affirme avoir vu sur l’île des sabres et des mousquets qui n’étaient pas de facture anglaise, ainsi qu’une montre en or et un compas. Plus troublant encore, les insulaires lui auraient raconté que tous les rescapés de ce naufrage avaient été tués lors de combats, sauf un mousse, vraisemblablement épargné en raison de son jeune âge. D’après les recherches de Garrick Hitchcock, ce dernier survivant de l’expédition La Pérouse pourrait être François Mordelle, un Breton originaire de Tréguier. Celui-ci aurait quitté l’île quelque temps plus tard avec deux femmes à bord d’une pirogue. Shaik Jumaul raconte que même après le départ de ce mousse, les insulaires vénéraient encore ses vêtements, un uniforme en laine bleue évoquant celui de la Marine.

« La probabilité de trouver quelque chose sur place est infime, estime Raymond Proner, mais nous n’avons pas le droit de laisser passer une telle chance. » Son association compte partir en reconnaissance sur cette île australienne en compagnie de Garrick Hitchcock, en vue de préparer une campagne de fouilles. « Si nous trouvons des boutons d’uniforme ou des réaux espagnols, nous saurons que les survivants de l’expédition La Pérouse ont échoué là. »
Coralie Cochin