La pratique de la médecine telle qu’on la connaît aujourd’hui a largement été influencée par les ambitions maritimes du XVIIIe siècle. Le Musée national de la Marine à Rochefort la célèbre, à l’occasion du tricentenaire de la création de la première formation de médecins officiers de marine en France, en accueillant dans les locaux de l’ancienne école navale plusieurs expositions comme celle de l’artiste plasticienne Elsa Guillaume Collecter les ombres, mesurer l’écume (CM 320) mais aussi en présentant un ensemble d’archives retraçant l’histoire du lieu, de la formation et des soins dispensés dans le bâtiment. 

Suite à l’intensification de l’activité maritime sous le règne de Louis XIV, de nouvelles maladies émergent à bord et la mortalité augmente, comme le constate Jean Cochon-Dupuy (1674-1757), premier médecin de la Marine à l’hôpital de Rochefort, où est basée l’armada de la façade Atlantique. 

L’usage veut alors que le barbier, adroit pour manipuler le bistouri aussi bien que le rasoir, mais ignorant de l’anatomie humaine et de la médecine générale, soit le seul personnel médical de bord. Jean Cochon-Dupuy a l’intuition que des officiers navigants rompus à la médecine d’urgence amélioreront l’autonomie des navires destinés aux opérations navales et aux explorations lointaines. 

En 1722, il convainc la couronne de le laisser ouvrir la première école de médecine navale au sein de l’hôpital de Rochefort – en 1788, elle sera installée dans le nouvel hôpital maritime, qu’on peut encore visiter aujourd’hui. Le système pédagogique imaginé par le médecin est comparable à celui des Centres hospitaliers universitaires actuels, alliant les soins et l’enseignement. Le modèle fait mouche, et il est bientôt repris à Toulon, puis à Brest. Les élèves officiers étudient les pathologies susceptibles d’apparaître en mer, l’anatomie, la chirurgie, et les sciences naturelles en général. 
À bord, c’est une autre paire de manches. La venue d’une nouvelle classe d’officiers, aux objectifs distincts de celui du commandant, donne lieu à des frictions. Si la Royale a besoin des marins pour manœuvrer le navire, le médecin, quant à lui, est censé veiller à ce que les hommes ne soient pas usés, pour que les missions durent. 

En escale, les médecins navigants recherchent, décrivent et collectent des informations sur la faune, la flore et les peuples des pays visités par les navires. Surtout, ils étudient et recherchent, chez les autochtones, des remèdes pour les maladies qui sévissent à bord.

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Elsa Guillaume, tritonnades et cœlacanthe, article publié dans le Chasse-Marée n°320 en avril 2021

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