En août dernier, un confrère bûcheron élagueur, Sylvain Le Scour, me téléphone pour m’annoncer qu’il est en train d’abattre un très gros chêne, mort sur pied, à Pleurtuit, et qu’il serait peut-être pas mal que je vienne voir si on peut en faire « quelque chose d’autre que du bois de chauffage ».

Quelques jours plus tard, me voici donc au bout de l’ancien ne retenue d’eau du moulin de Montmarin, qui n’est autre que l’ancien bassin du chantier de construction de Benjamin Dubois, Sieur de Montmarin, qui a fait l’objet d’un article dans Le Chasse-Marée numéro 285.

Le chêne faisait 1,30 mètre de diamètre en pied, avec un fût de 12 mètres sous les branches charpentières, et un houppier majestueux doté de belles branches courbes : évidemment qu’il fallait en faire autre chose que du bois de chauffage ! Cela avait été un crève-cœur pour le propriétaire, Bruno Viger, de le faire abattre, et il
fut heureux d’entendre qu’il était possible d’offrir une seconde vie à cet arbre en le sciant en bois d’œuvre, ce qui fut fait quelques mois plus tard. Le compte des cernes annuels de cet arbre donnera un résultat compris entre 480 et 520 : à deux cernes par an, cela lui donne un âge vénérable d’environ 240 à 260 ans, soit une naissance entre 1762 et 1782 ! Il est donc contemporain de la période où Benjamin Dubois a fait de ce site un haut lieu de la construction navale du pays malouin. Durant son « enfance », ce chêne a vu naître bien des navires.

Comme j’avais une idée de ce qui pouvait être fait, j’ai échangé avec le propriétaire une partie du sciage du fût contre les branches charpentières et la tête du tronc. J’ai débité les bois tors en plateaux, dans lesquels des membrures ont été débitées pour la restauration du Morvarc’h, de Camaret, de Gwendolen, un punt de 1905 en cours de restauration par son patron Nicolas Aline, et du zulu écossais Leenan Head !

La boucle est bouclée : le chêne de Montmarin entre dans l’histoire après en avoir été le témoin durant deux siècles et demi. Quant à moi, je continue à chercher et à scier du bois pour que sur la mer jolie continuent d’aller les bateaux jolis !

Lire aussi

Benjamin Dubois, Sieur Montmarin publié dans Le Chasse-Marée n°285 en mars 2017.

par Jean-rené Donguy et Anne Hoyau-Berry – Établi à Saint-Servan, Benjamin Dubois (1749-1797) arme ses navires à la course pendant la guerre d’Indépendance américaine, après quoi il fonde sur son domaine du Montmarin, au bord de la Rance, un chantier naval où seront lancés nombre de bâtiments pour la Marine, la grande pêche, le long cours ou le cabotage.