
La série 37 secondes, dont le dossier de presse précise qu’elle est « librement inspirée de l’affaire du Bugaled Breizh », a suscité des réactions contrastées. Sur le plan artistique, elle a été distinguée par un prix au prestigieux festival Série Mania. De nombreux articles ont souligné la performance de l’actrice principale, Nina Meurisse, qui incarne Marie Madec, la belle-sœur de l’un des marins disparus et la porte-parole des familles.
Marie est une ouvrière d’une entreprise de mareyage du Guilvinec qui aspire à un poste d’encadrement, au risque de perdre l’amitié de ses copines. Les scènes d’usine entre ces femmes sont parmi les plus réussies de la série. La description de la filière professionnelle de la pêche mérite aussi d’être saluée. En revanche, la romance entre Marie et maître Costil (Mathieu Demy), l’avocat défendant les familles, dans un décor finistérien de cartes postales, est digne d’un médiocre feuilleton de télévision. Plus belle la vie à Loctudy…
Les autrices et la réalisatrice mettent en avant la quête de vérité des familles touchées par le drame. En entrant dans leur intimité, le spectateur comprendrait leur combat, leur douleur, leur deuil.
La fiction et la vérité
Certes, la série respecte la chronologie d’une saga juridique interminable, de l’ouverture de l’enquête au lendemain du naufrage, le 15 janvier 2004, jusqu’aux auditions de la Royal Courts of Justice de Londres, en novembre 2021. Elle utilise des images d’archives pour reconstituer l’histoire, mais seulement en surface. Il fallait chercher en profondeur, dans les failles des personnages, réels ou fictionnels, et non dans leur caricature. L’armateur du Bugaled Breizh, très engagé dans l’enquête, est dépeint sous les traits d’un petit patron cupide. La « vraie » personne se dit victime d’un lynchage artistique et crie à la double peine dans la presse régionale.
La diffusion de la série a ravivé la mémoire d’une affaire qui, si elle est à ce jour close pour la justice, ne l’est ni pour les familles, ni pour l’histoire. L’Union démocratique bretonne a écrit à Donald Trump – on peut rêver meilleur allié pour établir la vérité… – afin de demander le déclassement des archives des sous-marins nucléaires américains puisque, comme dans la magistrale scène d’ouverture de la série anglaise Vigil, c’est vers l’un d’entre eux que pointe la responsabilité du naufrage. La fiction permettra-t-elle de faire éclater la vérité ? Maître Costil-Mathieu Demy a déclaré l’espérer au cours de la promotion de 37 secondes. L’avenir dira si l’engagement d’une équipe de fiction est aussi tenace que celui des personnages réels, qui contestent toujours la version établie par des experts du Bureau enquête accident-Mer. Vincent Guigueno
37 secondes (2024) d’Anne Landois et Sophie Kovess-Brun, plateforme arte.tv
Publié dans Le Chasse-Marée 345, juin-juillet 2025
© Nicolas Roucou-Alba-Colette prod-SAP-ARTE