[COURRIER DE LECTEUR CM n° 322] La plupart des écrits datent les débuts du canotage aux alentours des années 1830, ainsi que le rappelle l’article de François Casalis dans le dernier numéro du Chasse-Marée (CM 322). Dans l’un des textes fondateurs, le Canotage en France (1858), Alphonse Karr et Léon Gatayes se présentent comme les premiers canotiers de la Seine et fixent les débuts de leur pratique vers 1815, alors qu’ils étaient « en septième au lycée Louis-Le-Grand ». C’est en effet à partir de 1830 que de nombreuses illustrations témoignant du canotage paraissent dans les journaux nés à cette période. Mais cette pratique de naviguer pour le loisir n’existait-elle pas avant cette date ?

Sous l’Ancien Régime, la pratique de l’aviron, de la pagaie ou de la voile sert une multitude de métiers dans les domaines de la marine de guerre et du commerce, de la pêche, du transport de passagers, sur les voies maritimes et fluviales et pour tout métier qui s’exerce à proximité d’une voie d’eau. Pourtant, des sources picturales ou écrites nous confirment qu’au moins dès le XVIIe siècle, l’on s’adonnait à la promenade en canot sans autre but que le plaisir, notamment chez les aristocrates, ou lors de fêtes populaires organisées à l’occasion d’un patronage, ou de festivités nationales. On trouve aussi quelques récits de voyage témoignant de cette activité de loisir. Ainsi, en Italie, en 1732, Canaletto peint une régate de gondoles. En Angleterre, la Doggett’s Coat and Badge, ainsi nommée en l’honneur du comédien et du prix qu’il a légué, est créée à Londres pour la première fois le 1er août 1715.

Aller sur l’eau pour son plaisir, sans autre but que celui de la promenade et du délassement, est avant tout une pratique aristocratique. Elle s’organise sur les canaux, étangs, pièces d’eaux aménagés auprès des châteaux et des résidences de plaisance, à l’instar du lac de l’Anse au sein de la propriété de Chantilly, appartenant aux princes de Condé, où les textes évoquent des promenades nocturnes lors de festivités.

La joute marinière est, elle, une pratique populaire, organisée à l’occasion de fêtes et d’anniversaires, qui réunit ceux qui ont pour métier la pratique de la rame. À Paris, une joute a lieu régulièrement sur la Seine, dans la première moitié du XVII siècle, comme l’illustre cette gravure de 1630 réalisée par Jacques Callot (ci-dessus). L’inventaire des sociétés nautiques en France, réalisé par Nicolas Guichet en 1998, cite également une régate à Paris en 1613 au cours de fêtes organisées par Chanteau à la demande du maréchal de Bassompierre. La régate suivante a lieu à Cherbourg en 1831, à l’initiative du Royal Yacht Club de Cowes. Entre ces deux dates, d’autres courses ont certainement été organisées. Un travail de recensement de ces régates sur l’eau est à réaliser.

Par ailleurs, un jeune anglais, John Evelyn descend la Loire en trois jours, de Roanne à Orléans, en maniant lui-même l’aviron en 1664. Les déplacements des personnalités d’une résidence à une autre sont l’occasion d’emprunter la voie d’eau et de pratiquer toutes les formes de propulsion utilisées par le canotage.

Le canotage n’est donc pas né en 1830. Il existe sans doute depuis que l’homme a eu l’idée de naviguer. Sa forme va évoluer très rapidement comme la société qui l’entoure, au début du XIXe siècle, où la rivière devient un refuge au milieu d’un monde qui s’emballe.  Étienne Chopot

 

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Le peuple libre des canotiers, de l’hédonisme au moralisme, publié dans le Chasse-Marée 322 en août 2021

Par François Casalis – Né vers 1830 à Paris, le canotage a connu deux décennies « anarchiques » durant lesquelles la pratique ne répondait à aucun principe ou pouvoir. Il s’agissait alors de s’amuser, se promener, découvrir, rêver, créer, se libérer… un univers qu’ont très bien retranscrit des Maupassant ou des Renoir, ou encore Alphonse Karr, le père spirituel du canotage. Mais dans les années 1850, les canotiers vont apprendre à composer avec les sportifs, pour qui l’aviron est une pratique hygiénique, à bord de bateaux normés, où l’ordre et la discipline s’imposent.

Retrouvez le travail de recensement d’Étienne Chopot sur le site du Chasse-Marée, dans les Suppléments du web.

https://www.chasse-maree.com/actualites/avant-1930-le-canotage-existait-supplements-du-web-n323/