Déjà pratiquée au XVIIIe siècle par des chaloupes basques, vendéennes ou des chasse-marée de Bretagne méridionale, c’est à partir de 1850 que la pêche au germon prend son véritable essor en France. En 1930, la flotte thonière atteint son apogée et l’on compte près d’un millier d’unités qui, chaque été, sillonnent les eaux du golfe de Gascogne à la poursuite du thon blanc. En 1934, la Cornouaille arme 227 thoniers (dont 163 concarnois), le Vannetais et le Pays nantais, 497, la Vendée et l’Aunis, 150. En moins d’un siècle, le bateau a considérablement évolué, des grandes chaloupes creuses, puis pontées, jusqu’à la quasi-perfection du dundée thonier apparu en 1883, l’arrière passant du cul pointu à gouvernail extérieur à la voûte ronde, puis carrée, qui s’allongera dans les dernières unités. Ce bateau représente sans doute le type de voilier de travail le plus abouti du littoral atlantique, au point de conserver, aujourd’hui encore, une place prépondérante dans la tradition maritime populaire.
Les principaux ports d’armement sont Les Sables-d’Olonne, Yeu, Etel, Groix et, après 1900, Concarneau puis Douarnenez. La pêche du thon fait vivre des milliers de personnes : armateurs, constructeurs, voiliers, avitailleurs, pêcheurs, usiniers et ouvrières des conserveries. Les chantiers sablais se taillent la meilleure part dans la manne que représente la construction des thoniers. A partir de 1920, les coques deviennent particulièrement élégantes, avec des lignes fines, une étrave élancée, un brion arrondi et une quille en forte différence. La voûte, qui prolonge les lignes de carène, s’allonge nettement après 1920, formant le magnifique “cul d’hirondelle” qui fait toute l’élégance du bateau. La longueur des dundées est donnée en pieds de quille, les plus grands atteignant 36 à 40 pieds (certains 42 pieds), soit 12 mètres de quille, pour une longueur de tête en tête dépassant 20 mètres.
Chaque année, à l’époque de la Saint-Jean, on arme pour la campagne thonière, annonciatrice de beau temps et de rentrées d’argent frais avant les rigueurs hivernales. Les bateaux ont été briqués à neuf, les gréements vérifiés ; les équipages sont constitués en général de six hommes, patron et mousse compris. Bientôt, les dundées gagnent le large à la recherche du thon blanc. Souvent, ils naviguent à deux ou trois bateaux, et s’efforcent si possible de se maintenir ensemble sur les mattes de thon.
La pêche s’effectue à l’aide de lignes gréées sur deux tangons établis de chaque bord à hauteur du grand mât. Chaque tangon porte six à sept lignes comportant à leur extrémité un hameçon double, sans barbillon. Le leurre est réalisé avec de la paille de maïs ou d’ail. Lorsque le bateau est à la recherche du poisson, on grée quatre autres lignes sur l’arrière : trois au niveau du couronnement, et la dernière, la plus longue, en tête du mât de tapecul. Ce sont donc au total dix-huit lignes qui peuvent être mises à l’eau en même temps. Chacune d’elles porte un nom qui diffère suivant les ports d’armement.
Au début de l’été, les dundées descendent vers le Sud, pour aller chercher le thon jusqu’au large du cap Finisterre ; puis ils suivent le poisson dans sa remontée du golfe de Gascogne pour atteindre les parages de la Grande Sole vers la fin septembre. C’est généralement à l’accore du plateau continental, que les eaux sont les plus pêchantes. Les patrons, dont bon nombre ne savent pas faire le point, se repèrent en fonction des lignes fréquentées par les navires de commerce, voiliers ou vapeurs. Il y a les lignes les plus proches de terre comme celles de Bayonne, Bilbao ou Santander. Plus au large sont les lignes de “suroît” et enfin celle des trois-mâts (hent er ter-gwerni) qui évitent le piège du golfe de Gascogne.
Plusieurs indices signalent le poisson, qu’il s’agisse des balaous (cousins de l’orphie ou aiguillette) fuyant en surface devant les thons en chasse, ou des vols de pétrels, que les Bretons nomment dindins, et des fous de Bassan (les guillou braz ou mourskoul) à la poursuite des bancs de crevettes et de sardines, mets de choix des germons. La couleur de l’eau est également observée : elle est verte sur le plateau, dans les petits fonds, et bleue au large, plus fréquenté par les mattes.
Le patron, à la barre, surveille la tension des lignes. Lorsque l’une d’elle est prise, il la nomme par son nom. Les matelots saisissent les cargues et embraquent les hales-à-bord dont la plupart des lignes sont dotées afin d’éviter qu’elles ne s’emmêlent à la remontée. Le poisson une fois sur le pont, un matelot, ou souvent le mousse, le tue d’un coup de piko entre les deux yeux. Rapidement vidé, il est amarré par la queue, plongé dans l’eau de mer et suspendu à l’extérieur du pavois pour qu’il s’égoutte. Les prises sont ensuite accrochées aux bois de thon que supportent des chevalets disposés sur le pont. A la fin des années 20, les chambres froides apparaissent, suivies des glacières aménagées, placées dans la cale. Les jours de bonne pêche, 200 à 300 thons peuvent être capturés, ce qui laisse peu de répit à l’équipage.
Le poisson cesse de mordre après le coucher du soleil. Le dundée prend alors la cape sous voilure réduite. Après le repas préparé par le mousse (thon en ragoût ou frit), les hommes vont se coucher, à l’exception des deux qui sont de quart, l’un au bossoir, l’autre près de la barre. Avant de regagner sa couchette, le mousse devra nettoyer les hameçons, convenablement suiffés afin d’éviter qu’ils ne rouillent dans la nuit. Il se lèvera avant l’aube pour allumer le poêle, faire chauffer le café et griller quelques tranches de thon piquées à l’ail depuis la veille au soir.
Avec les marées d’équinoxe et l’approche des premières tempêtes d’automne, les dundées cessent de poursuivre les bancs de thons déjà remontés très au Nord. La fameuse tempête de 1930, qui voit la mort de 210 marins et la disparition de 28 thoniers, reste encore dans les mémoires. Les dundées regagnent pour la dernière fois de la saison le port de vente, où ils ont déjà relâché plusieurs fois dans l’été afin d’y débarquer leur pêche. Certains désarment pour l’hiver, tandis que d’autres vont se livrer à un autre métier, beaucoup plus exigeant, celui de la drague. Bon nombre d’entre eux vont établir leurs quartiers à La Rochelle d’où ils peuvent rapidement gagner les fonds plats de la Grande Vasière entre l’île d’Oléron et la côte d’Hourtin, devant l’estuaire de la Gironde. Ils pêchent le poisson frais, et plus particulièrement la sole vendue à la criée de La Rochelle après des marées de 10 ou 15 jours.
Les années qui suivront la Seconde Guerre verront encore quelques-uns de ces dundées poursuivre les mattes de thon, ou traîner leur chalut à perche, avant l’irrémédiable motorisation. La tempête de 1930 pousse certains constructeurs à adopter un arrière canoé, jugé mieux défendu, qui sera conservé sur les chalutiers thoniers et les thoniers-maquereautiers motorisés qui succéderont aux anciens dundées.