Par Philippe UrvoisSolenn Kerrand, professeur au lycée maritime professionnel du Guilvinec, et Victor Benech, élève mécanicien, nous apprennent aujourd’hui comment remettre en route un petit moteur hors-bord Seagull qui n’a pas fonctionné depuis bien des années.

Construits par une division de Sunbeam, un fabricant anglais de motos, puis par la compagnie British Seagull, les moteurs hors-bord Seagull ont été produits en grande série, notamment pour le débarquement en Normandie. Leur fabrication s’est étalée du début des années 1930 au milieu des années 1990, et ils ont vite été adoptés par les plaisanciers pour motoriser leurs annexes ou leurs voiliers. Bon marché, faciles à entretenir et à réparer, ils furent aux moteurs marins ce qu’étaient aux deux roues les Vélosolex : des engins légers, « increvables » et populaires. S’ils sont aujourd’hui dépassés – ils ne correspondent plus aux normes anti pollution actuelles – ces engins à l’esthétique très « vintage » peuvent encore servir en dépannage et méritent d’être « sauvés ». Reste qu’ils ont souvent bien vécu…

Alimenté par une nourrice, le moteur Seagull révisé par Solenn et Victor ne va pas tarder à pétarader. © Mélanie Joubert

Celui que nous envisageons de remettre en marche n’a pas fonctionné depuis très longtemps. C’est le premier constat que font Solenn Kerrand, enseignante machine et pont au Lycée maritime professionnel du Guilvinec et Victor Benech, élève en formation continue de mécanicien marine (750 kW). L’engin est oxydé – le réservoir est même rouillé et présente un dépôt de paraffine – mais il semble complet. En tout cas, il n’est pas grippé : on peut faire tourner l’hélice à la main en forçant un peu, ce qui indique une bonne compression. La segmentation et le piston sont donc, a priori, en bon état.

À proximité du cylindre, le numéro de série, EFPW 75F5, est gravé sur un carter en aluminium. Introduit dans le moteur de recherche d’un site dédié aux Seagull (<saving-old-seagulls.co.uk>), il nous apporte de précieuses informations : ce moteur correspond au modèle Forty Plus Direct Drive, « idéal pour les dinghies de 3 à 4 mètres et pour les canots, capable de propulser une unité mesurant jusqu’à 6 mètres ». D’une puissance de 3 chevaux, ce monocylindre deux-temps est dépourvu d’embrayage et refroidi par eau de mer. Il fonctionne à l’essence sans plomb additionnée de 4 pour cent d’huile semi-synthétique (TCW2). La lubrification de son embase nécessite de l’huile SAE 140 (aussi utilisée pour les boîtes de vitesse). La lettre E indique qu’il possède un allumage électronique. Le numéro de série indique enfin que ce moteur a été fabriqué en juin 1985, ce que ne laissait pas présager son état. Sans doute a-t-il été remisé dans de mauvaises conditions.

Une révision à la portée des néophytes

« Pour fonctionner, un moteur doit être correctement alimenté en air et en carburant. La bougie doit aussi produire une étincelle pour faire exploser le mélange air-essence. C’est ce que nous allons vérifier », explique Solenn, qui ajoute que ces opérations peuvent être réalisées par un néophyte disposant d’un minimum d’outils.

Le Seagull est donc fixé sur une chaise, sur le côté d’un établi, et Victor commence par démonter le carburateur. À l’aide d’une clef, il desserre le collier métallique qui le fixait sur la pipe d’admission. Celle-ci est aussitôt obturée par un chiffon afin d’éviter que des impuretés entrent dans le cylindre. Après avoir vérifié que le robinet du réservoir est fermé, la Durit amenant l’essence au carburateur est déconnectée. Reste maintenant à démonter le câble d’accélération qui agit sur le boisseau afin d’augmenter ou de réduire l’admission de mélange air-essence. Ce câble est libéré au niveau de la manette de commande d’accélération, qui sera plus tard nettoyée et graissée.

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Le carburateur n’étant plus relié au moteur, il peut être démonté. Victor dévisse d’abord la boîte à air (dite « boîte dorade »).  Il enlève ensuite le couvercle supérieur du corps du carburateur, fixé par une vis, et sort le boisseau pour le désolidariser du câble d’accélération. Puis il dévisse le fond de cuve, situé dans la partie basse du carburateur : « La présence d’un dépôt cristallisé montre que le moteur n’a pas servi depuis longtemps », note-t-il. Cette partie basse du carburateur comprend un flotteur qui permet la régulation de l’arrivée d’essence dans la cuve et un gicleur en bronze qui y aspire l’essence par effet venturi, grâce à un trou minuscule. Le flotteur est démonté en retirant son axe et le gicleur est dévissé. « Il est bouché, le moteur n’aurait jamais démarré », constate encore Victor. Il démonte ensuite, sur le côté du carburateur, le petit carter où vient s’emboîter la Durit d’essence. Il cache un filtre métallique qui est sorti de son logement.  Toutes ces pièces sont trempées pendant dix minutes dans l’essence, nettoyées au pinceau et remontées. Au passage, Solenn vaporise du dégrippant à l’intérieur de la gaine du câble d’accélération. Elle s’intéresse ensuite à l’allumage. Si la bobine, située dans le gros carter en aluminium qui forme la « tête moteur », fournit de l’électricité, elle doit pouvoir produire une étincelle au niveau de la bougie.

Il suffira d’une étincelle

Après avoir déboîté l’antiparasite qui la coiffe, elle est dévissée de la culasse. Les contacts et les électrodes sont nettoyés à la brosse métallique douce, en laiton. Leur écartement est contrôlé à l’aide d’une cale (0,7 mm, soit l’épaisseur d’un ongle). Puis la bougie, reconnectée à son câble d’alimentation, est placée contre une partie métallique du Seagull. Solenn tire alors sur le lanceur tandis que Victor observe les électrodes : une étincelle bleue indique qu’il y a de l’allumage. La bougie peut être remontée…

Nos deux mécanos vérifient ensuite que la pompe à eau fonctionne. Pour cela, il faut démonter le haut de l’embase, reliée au moteur par deux fûts métalliques. Le premier, situé au-dessus de l’hélice, sert de pot d’échappement et abrite un tuyau de cuivre acheminant l’eau autour de la chemise pour la refroidir. Après avoir enlevé la vis qui retient ce fût au cylindre, il s’abaisse et permet de dévisser, à la clé, l’extrémité du tuyau d’alimentation en eau.

L’autre fût abrite l’arbre de transmission et est maintenu par un collier sur l’embase. Celui-ci est desserré avec une clé à cliquet, et l’embase est retirée par le bas.

Les deux vis de son carter supérieur ayant été – laborieusement –  dévissées, on peut examiner le rotor de pompe à eau, traversé par l’arbre de transmission. Il est en bon état… Après remontage, il ne reste plus qu’à vérifier que les engrenages de transmission situés dans le carter situé derrière l’hélice sont bien lubrifiés. « Pas une goutte d’huile », constate Victor après avoir dévissé le bouchon de vidange. À l’aide d’une burette, le carter est donc rempli d’huile SAE 140 jusqu’au bouchon et refermé. La révision du Seagull est terminée.

Le carburateur ayant été rempli d’essence, le moteur démarre après plusieurs tentatives. Solenn l’éteint aussitôt car son embase est à l’air. Il faudra encore vérifier que le circuit de refroidissement fonctionne vraiment et rénover le réservoir d’essence pour que le vieux Seagull soit de nouveau bon pour le service.