Par Philippe Urvois  – Il est temps de recouvrir son petit bateau d’un taud protecteur. Quelques opérations simples, ayant pour but de limiter l’humidité, source de pourriture et de corrosion, permettront de lui faire passer l’hiver à flot dans de bonnes conditions.

Dans la lumière rasante d’une fin d’après-midi d’octobre, l’association des Charpentiers de grève s’active autour des petites unités traditionnelles qu’elle répare, entretient et fait naviguer. Les bateaux doivent être préparés afin de passer l’hiver au mouillage sur une filière du Port-Rhu, en face du Chantier naval Pleine mer de Douarnenez. « L’entretien d’un bateau en bois doit être régulier, explique Christoph Eberhardt, responsable de cette entreprise et conseiller de l’association. En fin de saison, il n’est plus temps de peindre, de vernir ou de huiler le bois pour le protéger, parce qu’il est déjà imprégné d’humidité. Cet entretien, important pour éviter la pourriture ou les gerces qui peuvent faire éclater le bois sous l’effet du gel, se fait plutôt au printemps. En revanche, d’autres opérations doivent être effectuées pour l’hivernage, qui offre aussi une bonne occasion de contrôler l’état général du bateau. »

Les voiles sont d’abord enlevées, brossées à l’eau douce, rincées et séchées avant d’être stockées, coutures, ralingues et œillets étant examinés à cette occasion. Elles seront réparées dans l’hiver, si nécessaire. Les espars – sauf la bôme s’il y en a une – et les poulies sont ensuite démontés et font, eux aussi, l’objet d’un petit examen, voire d’un entretien, avant rangement définitif – les poulies peuvent être poncées, huilées ou lasurées. « Si l’on envisage une longue immobilisation du bateau, les drisses et le bout-dehors peuvent également être enlevés », précise Henri Gabolde, adhérent de l’association.

Les Charpentiers de grève examinent ensuite l’intérieur des bateaux. Les planchers sont enlevés et les fonds sont asséchés et nettoyés en veillant à ce que les anguillers ne soient pas bouchés : l’eau doit pouvoir circuler librement jusqu’au point le plus bas de la carène, où elle peut être pompée.

Le matériel d’armement du bateau est ensuite retiré. Il sera examiné à terre, en vérifiant particulièrement les dates de péremption des signaux de détresse. Pour les bateaux pontés, tout ce qui est susceptible de moisir ou de pourrir (papier, tissu, etc.) est également sorti du bateau. Portes et tiroirs sont laissés ouverts.

Ci-dessus : Thérèse, cotre de 6,90 m s’apprête à hiverner sous son taud, dans les eaux calmes du Port-Rhu.

Le pont est ensuite lavé et brossé, son étanchéité – surtout dans les coins où l’eau peut stagner – étant contrôlée à cette occasion. Puis c’est l’examen des amarres, qui sont éventuellement doublées. « Il est surtout conseillé d’effectuer un tour mort autour de l’anneau de bouée, afin de diminuer le ragage », note Christoph. Il reste maintenant à protéger les bateaux des intempéries en les couvrant d’un taud – ici réalisé en tissu de store. Ce dernier est tendu sur la bôme du bateau ou sur un support quelconque suivant l’axe longitudinal de l’embarcation, afin que la toile forme une double pente permettant à l’eau de s’écouler aisément.

Sur les bateaux disposant d’un petit pontage et de passavants, les bords du taud sont fixés autour de l’hiloire, sur les taquets ou filoirs, en essayant de limiter les points de contact avec le bateau pour faciliter le ruissellement de l’eau. Pour les bateaux creux, la bâche déborde le long du bordé, les bordures étant lestées avec des chaînes ou des sacs de sable afin d’éviter la formation de poches. Il faut toutefois ménager quelques bouches d’aération pour qu’un maximum d’air puisse circuler sous le taud.

Si le bateau est doté d’un moteur hors-bord, le mieux est de le remiser au sec. La prise d’eau de mer est nettoyée et le moteur est mis en marche au-dessus d’un bac d’eau douce à laquelle on aura ajouté du vinaigre. Cela va supprimer le sel et le calcaire dans le circuit.

Quant aux bateaux équipés d’un moteur in-bord, on doit s’occuper de leur machine avant de les placer sous bâche protectrice. « C’est à la portée d’une personne qui a un minimum de connaissances en mécanique », assure Jacques Griffon, le « mécano » des Charpentiers de grève. Laisser son moteur en l’état revient en effet à l’exposer à un certain nombre de ris-ques. L’air marin peut endommager les soupapes et le haut moteur en pénétrant par le filtre à air et l’échappement. Le carter, même en aluminium, peut, d’autre part, s’oxyder et se percer, surtout s’il baigne dans l’eau des fonds…

La première étape consiste à faire monter le moteur en température, en contrôlant l’absence de fuite d’eau ou d’huile. Il est ensuite vidangé, et l’on change les filtres à huile et à carburant (gasoil ou essence). On prend soin ensuite de remplir le réservoir à ras bord afin d’éviter toute condensation. La mise à l’air libre du réservoir est alors obstruée.

Puis le filtre à air est déposé et de l’huile protectrice (type WD 40) est pulvérisée dans le collecteur d’admission de l’air, pour éviter la corrosion. Le filtre est ensuite remonté et la prise d’air est obstruée avec un chiffon gras. La sortie d’échappement est bouchée de même manière. Les entrées d’air sont désormais limitées.

Jacques Griffon prépare l’hivernage du moteur du petit canot ponté Triskel.

Passons maintenant au circuit de refroidissement. Il convient d’abord de démonter le filtre à eau de mer, de le nettoyer et de le remonter, en ayant bien graissé le joint du couvercle avec de la graisse marine (de couleur verte). « Si le moteur doit rester sans tourner plus de six mois, on procède à une opération plus poussée visant notamment à le protéger du gel », ajoute Jacques (voir encadré). On détend ensuite la (ou les) cour­roie(s) de la pompe à eau et de l’alternateur afin de ne pas la (les) fatiguer prématurément.

Il ne reste plus qu’à pulvériser de l’huile protectrice (WD 40) sur l’ensemble du bloc-moteur. « On peut éventuellement faire des petites retouches de peinture sur le moteur avant de le huiler », indique encore Jacques.

Après avoir effectué toutes ces opérations sur le Triskel, un petit canot ponté, le mécanicien serre enfin le presse-étoupe à tresse du bateau, afin d’éviter toute entrée d’eau au niveau de l’arbre d’hélice. Puis il assèche le fond en actionnant la pompe de cale. Sur certains bateaux, celle-ci est alimentée par une batterie et fonctionne automatiquement. Il importe en ce cas de vérifier le niveau de l’accumulateur, d’en nettoyer les cosses et de les badigeonner d’une graisse hydrofuge pour contacts électriques (en vente dans les centres-auto ou chez les électriciens de marine). Sa charge devra être contrôlée plusieurs fois dans l’hiver.

« Toutes les connexions électriques doivent également être protégées », poursuit Jacques, tout en pulvérisant à la bombe de l’huile hydrofuge sur toutes les cosses qu’il aperçoit. Celles du tableau moteur bénéficient du même traitement. « Voilà, le bateau est paré pour l’hiver et tout cela a été effectué avec un minimum d’outillage. Il faudra juste penser à enlever les bouchons de chiffon avant de repartir en mer », plaisante-t-il.