Le gréement de lougre à trois mâts caractérise, au XIXe siècle, l’ensemble des -bateaux de pêche de la Normandie à la Flandre. Au début du XXe siècle, il -subsiste seulement sur les grands lougres “nordiers” de Gravelines, mais également sur les petits lougres de pêche côtière, de Calais à la côte belge. Ces petits -chalutiers portent un grand mât central avec une voile au tiers surmontée d’un flèche également au tiers. L’écoute de grand voile coulisse sur une -grande barre d’écoute fixée sur le plat-bord arrière. Le mât de misaine, situé sur l’extrême avant, porte aussi une voile au tiers, ainsi qu’un foc sur bout-dehors. Le mât de tapecul, établi à tribord à l’intérieur du tableau, porte simplement une petite voile triangulaire.

Lougre grenadier de Dunkerque
© J. P. Guillou

Les coques sont construites dans les chantiers locaux, à franc-bord, plus rarement à clins. Elles sont très rondes, larges et se terminent par un tableau -vertical. Les fonds sont plats car ces lougres échouent sur les plages ou dans les ports à marée. A Dunkerque, on donne le nom de “grenadiers”, du nom flamand de la crevette grise, garnael, à des petits lougres de 7 à 9 mètres. Ils pêchent la crevette au chalut à bâton, de février à l’automne, à proximité des côtes. Les qualités évolutives de ces bateaux sont médiocres : ils n’ont guère de plan de -dérive, car les extrémités sont verticales, les fonds plats et la coque peu en différence. Mais sur ce littoral orienté est-ouest, les courants sont forts et les vents dominants, qui soufflent de secteur sud-ouest ou Nord-est, donnent des conditions d’évolution généralement favorables. Les marées sont courtes, ne durant que quelques heures, et l’équipage se limite à deux hommes, parfois accompagnés d’un mousse. Les crevettes, quelques dizaines au kilo, sont ramenées au port, cuites à terre pour être ensuite vendues aux alentours, jusqu’à Lille et dans les régions minières. Souvent, au début de l’automne, ces bateaux arment pendant quelques semaines aux filets dérivants, pour le hareng et pour le sprat, quelquefois abondant.

 

Lougre Dunkerque sortant du port
Lougre sortant de Dunkerque © coll. Chasse-Marée

Les lougres un peu plus forts, de 9 à 12 mètres, sont armés au chalut pour le poisson plat, et pêchent le maquereau aux lignes, de mai à septembre, quand le poisson plat est plus rare et qu’il se vend moins bien.

Au début du siècle, le gréement de cotre, plus maniable, tend à remplacer -celui de lougre. Les Dunkerquois, d’autre part, sont parmi les premiers à équiper leurs bateaux de moteurs, notamment à l’initiative du chantier Ecolin et de -l’architecte naval Soé. Entre les deux guerres, le terme de grenadier désigne les petits cotres à moteur auxiliaire. Ils poussent jusqu’aux côtes anglaises pour la crevette rose et prennent l’habitude de cuire à bord compte tenu de l’éloignement des lieux de pêche.