Le vernissage
Produits et précautions
En matière de vernis, il n’existe aucun produit miracle, juste de bonnes pratiques. Pour faire le bon choix, un cahier des charges précis doit être défini. Et pour obtenir un résultat satisfaisant, nombre de paramètres doivent être respectés.
Évoquez le mot vernis sur n’importe quel ponton et vous entendrez aussitôt des avis aussi divers que définitifs, sur les produits comme sur leur mise en oeuvre. Plutôt que de se lancer dans des arguties sans fin sur les mérites supposés de telle ou telle solution miracle, sachez que son efficacité repose sur quatre principes intangibles, l’adhésion, l’épaisseur du film, le brillant et la dureté, le tout contribuant à la durabilité.
Il existe d’innombrables formulations de vernis, sur base alcoolique, uréthane, phénolique, acrylique, polyester, polyuréthane, etc. Utilisée seule ou en combinaison, chacune correspond à un cahier des charges précis: surface tendre (finition classique) ou dure (finition moderne), usage intérieur, extérieur ou mixte, aspect mat, satiné ou brillant, application au pistolet, à la brosse, au rouleau ou au tampon. Afin de protéger le bois du rayonnement solaire auquel la plupart des essences sont sensibles, les vernis extérieurs contiennent des agents filtrants qui protègent les fibres de la décoloration. Ici, les vernis doivent résister à la fois aux ultraviolets, aux intempéries, au passage des équipiers et aux chocs occasionnés lors des manœuvres. Les problèmes posés par les finitions intérieures sont moins critiques et davantage liés à des questions d’esthétique : finition mate ou satinée, teinte, résistance aux rayures…
Pour éviter d’éventuelles incompatibilités entre des produits chimiques différents, diluants, durcisseurs ou additifs, il vaut mieux, en règle générale, suivre le cycle complet d’un seul fabricant. Le panachage de produits de nature et de formulations différentes est extrêmement risqué, les défauts les plus courants se manifestant sous forme de rétractions localisées, de bulles ou de cratères, de “friselures”, ou par des zones de matité ou de laitance. En cas d’absolue nécessité et afin d’éliminer tout risque, il est indispensable de faire un essai préalable dans les mêmes conditions et sur le même support que le travail final. Enfin, il est impératif de respecter les dates de péremption – tous les produits chimiques sont sensibles au vieillissement– ainsi que les conditions de température et d’hygrométrie, sans oublier les temps de recouvrement et les taux des dilutions indiqués sur les fiches techniques.
Les professionnels le savent bien, qui investissent dans de grandes cabines à atmosphère contrôlée, éclairées de manière uniforme.
Des soies de qualité et de largeur modérée
Si vous travaillez sur un fond poreux – par exemple un bois neuf ou entièrement remis à nu–, vous devrez commencer par une ou plusieurs couches diluées, ou, mieux, imprégner la surface à l’aide d’un produit spécifique, fond dur ou primaire. Une solution alternative consiste à imprégner les fibres du bois à l’aide de deux ou trois couches de résine époxy transparente diluée. Les zones extérieures, fortement exposées aux intempéries, gagneront même à être stabilisées à l’aide d’une stratification légère (tissu taffetas ou sergé 100 à 160g/m2). Invisible à l’œil nu, celle-ci augmentera la résistance du bois au poinçonnement et empêchera le développement de microfissures. Dans tous les cas, c’est l’épaisseur de la finition qui compte, la superposition des couches finissant par former un film souple et résistant dont seules les dernières épaisseurs sont exposées.
Réalisable uniquement sous abri, le vernissage au pistolet demande de l’expérience et, sur les grandes pièces, un gros travail de préparation. Les pinceaux en mousse sont efficaces mais ils exigent un certain tour de main pour doser la quantité de vernis et l’appliquer régulièrement sur de grandes surfaces. Investissez plutôt dans des soies de qualité et de largeur modérée; le spalter, brosse large mais fine, permet de couvrir plus rapidement de grandes surfaces, mais son maniement nécessite de l’expérience. Concernant les brosses à soies, il faut les laisser tremper dans l’eau quarante-huit heures avant usage; une fois sèches, on en peigne les soies afin d’éliminer les poils cassés ou mal collés. Après utilisation, les brosses doivent être parfaitement nettoyées, sans quoi des impuretés résiduelles se déposeront longtemps après dans vos finitions. De la même manière, ne mélangez jamais les pinceaux à peindre et ceux à vernir, car les résidus pigmentaires de la peinture ne manqueront pas de venir polluer le vernis.
La bonne adhésion du vernis sur son support dépend de la qualité de sa préparation, qui passe systématiquement par un ponçage, un dépoussiérage et un dégraissage. L’application peut alors se faire… en respectant certaines règles.
Préparation du support et application
S’il s’agit simplement de passer une nouvelle couche d’usure – auquel cas une formulation bicomposante est conseillée –, il suffit de poncer légèrement l’ancienne à l’aide d’un tampon abrasif de grain 400. Si une accumulation d’anciens vernis doit être éliminée avant la mise en œuvre d’un nouveau cycle, un grattoir et un pistolet à air chaud seront vos meilleurs outils. Ensuite, le processus classique commence par un ponçage du bois au grain 80, suivi par un 100/120 et enfin un 180/220. À moins d’avoir à traiter de grandes surfaces, auquel cas la ponceuse orbitale sera de rigueur, un travail purement manuel permet de contrôler le résultat en finesse.
Pour ne pas creuser la surface, la feuille abrasive doit être posée sur une cale en bois couverte d’un morceau de feutre. Pour poncer des surfaces de forme irrégulière – moulure, profil de fargue, gouttière, etc. –, un bloc de polystyrène est très commode. Les tampons à récurer, disponibles en différentes rugosités, sont également très pratiques pour préparer les surfaces complexes. Sur un bois neuf, veillez à travailler dans le sens du veinage. En effet, certaines essences tendres, comme le red cedar, sont très sensibles au ponçage en travers du fil; après vernissage, cela se traduit par des rayures sombres particulièrement visibles.
En raison des phénomènes de tension de surface, les angles vifs provoquent des rétractions du film; ils ne sont alors plus protégés par une épaisseur de vernis suffisante. Après quelques mois seulement d’exposition, des traces grises apparaissent le long des arêtes, même si les couches ont été nombreuses. Pour éviter ce problème, la solution consiste à «casser» systématiquement tous les angles à l’abrasif afin d’obtenir un arrondi insensible aux rétractions.
Cauchemar du vernisseur, la poussière est à combattre à la source en aspirant régulièrement celle due au ponçage, sur et autour de la zone de travail, celle-ci pouvant être isolée à l’aide de rideaux en polyane ou autre dispositif équivalent. N’utilisez jamais un jet d’air comprimé qui expédie en un instant toute la poussière dans l’air ambiant! Pour éliminer au maximum la poussière de ponçage, il est judicieux de lui laisser le temps – une bonne journée – de retomber avant d’appliquer le vernis. Cela ne vous dispense pas toutefois de passer sur les surfaces à vernir une mousseline adhésive spéciale – en vente chez les fournisseurs de peinture automobile – qui retient les plus fines poussières dans ses mailles. Un nettoyage à l’eau peut également être fait, mais toute trace d’humidité doit ensuite être éliminée. Pour le dégraissage, on utilise un solvant à évaporation lente – de type éthyl méthyl cétone (dit mek), par exemple –, l’acétone recyclée étant à proscrire car elle laisse parfois des traces nuisibles au tendu du vernis.
Un travail qui ne doit pas être interrompu
Les vernis doivent être réalisés avant les peintures. En superposant légèrement la limite des deux finitions, vous garantirez l’étanchéité et la continuité du revêtement. Le travail se fait par petites surfaces en appliquant une quantité juste suffisante afin de ne pas engendrer de coulures. Une brosse de qualité est indispensable pour obtenir de bons résultats, le rouleau mousse étant à éviter car il tend à inclure des myriades de bulles dans le film. Vérifiez au passage que ces consommables sont bien compatibles avec les solvants contenus dans le vernis, sous peine de destruction rapide des manchons !
Pour une formulation dure, deux ou trois couches sont un absolu minimum, six à neuf doivent être appliquées dans le cas d’un vernis tendre. Respectez scrupuleusement les consignes de dilution selon le matériel employé, ainsi que les temps de séchage et de recouvrement : réduire l’un ou l’autre est le meilleur moyen de gâcher une finition. L’application se fait toujours dans le même sens afin de maintenir un bord humide qui servira de départ aux nouvelles passes, rendant ainsi invisible la reprise. Pour la même raison, le travail ne doit jamais être interrompu, au risque de créer des démarcations. Pour répondre à ces contraintes, réfléchissez au parcours à emprunter sur les pièces de grande taille et organisez vous en conséquence, en équipe si nécessaire. Sur des pièces de forme complexe, la zone de travail doit être détourée à l’aide d’un ruban de masquage qui sera retiré avant le séchage complet du vernis. Entre chaque couche, un égrenage à l’éponge abrasive permet d’éliminer les petits défauts de surface comme les poussières ou les bulles.
À l’exception des petites pièces indépendantes – portes, planchers, capots, etc. –, le travail au pistolet est très difficile à mettre en oeuvre sur le bateau lui-même, surtout en extérieur. Il faut en effet protéger les surfaces non vernies de toute exposition aux aérosols, ce qui nécessite un travail de masquage considérable. Dans l’atelier, l’évacuation des brouillards est tout aussi indispensable. Si vous devez travailler à l’extérieur, évitez à tout prix les jours de grand vent et ceux de forte chaleur, celle-ci accélérant l’évaporation des solvants. Faute d’avoir le temps de se tendre, le film de vernis va mémoriser toutes les traces de pinceau, l’air emprisonné dessous formant, en se dilatant, des quantités de bulles en surface. Résultat déplorable garanti !