Par Jean-François Garry – Le déplacement d’un bateau – qui peut être léger, moyen ou lourd – dépend de son poids au regard de sa taille. Il détermine en partie son comportement et doit correspondre à son programme de navigation.

Le déplacement est une notion importante pour qui veut comprendre le comportement et les qualités en navigation d’un bateau. Exprimé en tonnes pour les grands bateaux ou en kilos pour les plus petits, il correspond au poids du volume d’eau déplacé par la carène (1 dm3 = 1 kg). Ce poids étant équivalent à celui du bateau, il est logique qu’un canot traditionnel à misaine, avec charpente en chêne et bordé massif, soit de déplacement moyen ou lourd, quand un dériveur en contre-plaqué de même taille sera de déplacement léger.

Le projet d’utilisation du bateau doit servir de guide dans le choix entre les différents types de déplacements. Ainsi, le pêcheur plaisancier qui relève ses casiers ou son tramail apprécie un déplacement lourd pour la stabilité et les mouvements doux qu’il procure. Celui qui doit charger son embarcation sur une remorque à chaque sortie privilégiera, en revanche, la légèreté. L’amateur de performances optera, lui aussi, pour un déplacement léger : son bateau se montrera ainsi plus vif, plus sportif et parfois capable de partir au planning.

Gabrielle, un plan Gaston Grenier de 1902, pèse 765 kg. Il déplace donc l’équivalent de son poids en eau, soit 765 dm3 en eau douce, légèrement moins en mer.

S’il n’est pas obligatoirement handicapé dans le petit temps, car il peut conserver de l’erre entre deux risées grâce à son inertie, le déplacement lourd gagne surtout en confort à la mer par brise soutenue. En outre, il est moins sensible à la surcharge. Voilà sans doute les quelques raisons qui l’avaient fait préférer en croisière. Cela dit, les déplacements moyens, type dé-riveur lesté, ont aussi fait leurs preuves depuis longtemps, y compris dans le mauvais temps. Et force est de constater que la tendance actuelle est au déplacement léger.

Voyons maintenant de façon précise comment estimer le poids et le déplacement d’un bateau. Imaginons une coque d’inspiration classique ou traditionnelle – ce qui reste l’objet de notre propos –, un canot, un day-boat ou un petit croiseur destinés à embarquer quatre personnes. Assises côte à côte – position qu’il faut pouvoir assurer au vent dans la brise –, elles occupent un linéaire d’environ 2,50 mètres. On peut les représenter schématiquement afin d’esquisser autour d’elles la silhouette de la coque. Il apparaît alors qu’un voilier d’environ 5 m conviendrait. Mais il pourrait être légèrement plus court ou un peu plus long : 4,50 m minimum pour un canot creux, 5,50 m pour un day-boat et 6 m pour un petit croiseur avec rouf (figure 1).

À partir de là, essayons de calculer, ou au moins d’estimer, le poids du bateau lège puis son déplacement en charge. Le « devis de poids » est réalisé de façon précise si l’on a une juste connaissance des formes du bateau, de son mode de construction, de sa structure et des matériaux employés. Il correspond à la somme des poids de chacun des éléments constitutifs de l’ensemble. Si le plan de formes et celui de charpente existent, on possède tous les éléments pour effectuer ce devis.

Ci-dessus : selon les caractéristiques d’un bateau (longueur, creux, plan de pont, etc.), la position
de l’équipage – donc son poids – n’influe pas de la même manière. À droite : le graphique 1 prend
en compte le déplacement lège, qu’il soit léger (jaune), moyen (vert) ou lourd (bleu) ; le graphique 2 permet d’évaluer le déplacement en charge, avec matériel et équipage. La zone jaune détermine le champs du possible.

Mais si les plans n’existent pas, lorsqu’on est au début de la définition d’un projet par exemple, le devis de poids n’est qu’une évaluation, résultant du fruit de l’expérience ou de la comparaison avec des bateaux existants. Certains documents, comme le graphique 1, proposent également quelques éléments d’évaluation du poids de la coque. Bien évidemment, il ne s’agit que d’une première approche, qu’il conviendra de vérifier ultérieurement. Au poids de la coque, on ajoute celui des éléments indissociables et permanents, comme l’accastillage et le gréement. Il faut également tenir compte des valeurs correspondant à des éléments variables, comme le poids de l’équipage, de l’armement et du matériel embarqué.

Prenons l’exemple d’un day-boat de 5,50 m de longueur hors tout et de 4,8 m à la flottaison. Une estimation du poids de la coque à environ 300 kg semble réaliste et correspond bien à ce type de bateau, qui doit être facile à charger sur sa remorque et à tracter sur route. Ajoutons à cela 50 kg pour le gréement et l’armement et 10 kg pour le pique-nique, les boissons, les maillots de bain ou les lunettes de soleil… Le poids moyen de chaque personne est, de plus, estimé à 75 kg, soit 300 kg pour un équipage de quatre personnes. Le poids total du bateau en charge atteint donc 660 kg.

Estimer et calculer le déplacement

Pour parvenir à estimer le type de déplacement du bateau – léger, moyen ou lourd –, on peut se reporter à des tableaux de correspondances, tel le graphique 2 (ci-dessous). On peut aussi le calculer en divisant le volume de carène (en décimètres cubes) par la longueur à la flottaison (en mètres) élevée à la puissance 3. En reprenant l’exemple cité plus haut, d’un bateau de 660 kg pour une longueur à la flottaison de 4,80 m, l’opération est la suivante : 660/4,803 = 6 (environ).Que signifie ce résultat ? Pour les bateaux de moins de 8 m à la flottaison, un coefficient de 11 indique un déplacement en charge de type lourd. Le rapport de 8 correspond à un déplacement moyen, celui de 5 à un déplacement léger. Le résultat de 6 obtenu pour cet exemple indique donc un déplacement plutôt léger. Si cela ne correspond pas à ce qui est souhaité, il faudra modifier au moins l’un des deux paramètres : le volume de carène ou la longueur à la flottaison… ou plus globalement la relation entre de poids et la taille du bateau.

Bien qu’instructif, ce type de calcul n’a cependant qu’une valeur indicative et ne doit pas imposer sa loi. Car il suffit de faire le même calcul pour le bateau que nous avons pris en exemple mais avec une seule personne à bord pour obtenir un résultat différent : le poids en charge n’est plus alors que de 435 kg et le coefficient chute à 3,9. Cela indique un déplacement très – trop ? – léger et présage un comportement sans doute particulièrement sportif du bateau. Il faudra en tirer les conséquences et envisager, par exemple, la possibilité d’un ballast de quelque 200 l (un lest permanent de 200 kg au-rait le même effet avec une personne à bord, mais le déplacement de 860 kg avec quatre personnes à bord deviendrait de type moyen). Ce qui précède montre à quel point le poids de l’équipage est une variable importante sur un petit bateau et oblige, dans toute réflexion, à tenir compte de la situation la moins favorable.
On peut reprendre les mêmes estimations, par exemple pour un petit croiseur à dérive de 6 m de long et 5,50 m à la flottaison, avec une coque de 500 kg et un déplacement en charge franchement léger de 950 kg. Si l’on ajoute un lest de 250 kg, le déplacement reste encore léger. Il faudrait ajouter un lest de 450 kg pour obtenir un déplacement moyen, tandis qu’un lest de 750 kg donnerait un déplacement lourd. On imagine facilement que le comportement du bateau et le programme de navigation seront sensiblement différents dans chacun des cas.

Dans un prochain article, nous étudierons comment un plan de voilure peut influencer le comportement d’un bateau et comment le calculer.