Par Gildas Roudaut* – Godiller ? Rien de plus simple en apparence : un aviron calé sur le tableau arrière, un geste des poignets décrivant un huit dans l’espace et le canot creuse son sillage. Pour vous aider à passer de la théorie à la pratique, voici, parmi d’autres, la technique la plus répandue. 

 

Le mouvement latéral des mains génère, par effet de pivot dans la dame, un mouvement latéral de la pelle et l’inclinaison des poignets donne un angle à celle-ci. Si le godilleur se contente de ce déplacement alternatif sans effort de résistance, l’aviron va plonger et se positionner verticalement, la pelle passant sous le tableau arrière de l’embarcation. En revanche, s’il résiste à la force qui tend à faire pivoter la godille verticalement, il crée un point d’appui sur l’eau et transmet cette force à l’embarcation, via le point de contact sur la godille.

Il existe deux techniques distinctes pour godiller : la technique horizontale et la technique verticale, la position de la pelle à chaque extrémité du mouvement pendant le coup de poignet étant la caractéristique de chacune d’entre- elles. Pendant le geste de rotation, si la pelle est à plat, c’est-à-dire qu’une des faces est dirigée vers le haut, c’est la technique horizontale ; alors que les faces de la pelle perpendiculaires à la surface de l’eau indiquent qu’il s’agit de la seconde technique, dite verticale.

Bien qu’elles utilisent toutes deux le même principe, la rotation est in-versée, et il s’avère qu’une fois que l’on maîtrise une technique, la seconde est très difficile à apprendre en raison des réflexes acquis pour la première. La technique verticale est séduisante par son style et le mouvement de la pelle qui paraît plus logique. En revanche, la technique horizontale est de loin la plus efficace, la plus puissante et la plus utilisée. C’est donc celle que nous allons présenter ici.

Mise en place

Utilisez un canot plutôt lourd (200 kg pour 4 m comme ordre d’idée). S’il est trop léger, les appuis de votre pelle seront plus délicats et votre stabilité incertaine. Débutez un jour sans vent pour ne pas dériver, avec un aviron souple, pas trop long mais suffisant pour se tenir debout dans l’embarcation (3 m à 3,5 m environ). Les godilleurs confirmés vous diront qu’il suffit d’une dame peu profonde, mais un creux de 4 à 5 cm semble être correct pour débuter et s’assurer que l’aviron ne sorte pas.

Placez-vous dos à la proue, jambes légèrement écartées pour être stable, les deux mains sur la poignée au même niveau que les épaules ou votre visage. Dans l’axe longitudinal (vu de côté du bateau) la pelle est dans l’eau et la godille est inclinée de 45° environ par rap-port à l’horizontale. Les avant-bras et les poignets, pour l’instant immobiles, doivent être symétriques et la pelle à plat, en position horizontale donc.

Premier mouvement

Inclinez vos poignets dans le sens horaire d’une trentaine de degrés, comme sur le schéma en rouge. Dé-placez vos mains vers la gauche en montant légèrement (flèche rouge sur le schéma) pour anticiper le mouvement vers le bas qui va suivre. Grâce au point de pivot de la dame, la pelle se décale alors vers votre droite. Conservez la même inclinaison de vos poignets pendant toute la durée du mouvement latéral. Si le mouvement est suffisamment rapide vous devriez sentir une force qui a tendance à faire monter vos mains et donc à faire plonger la pelle de l’aviron. Résistez à cette force, c’est elle qui pousse votre canot.

Enchaînement

Une fois les mains arrivées sur votre gauche, il faut entamer la rotation du poignet dans le sens contraire des aiguilles d’une montre- tout en arrondissant le mouvement vers le bas (flèche verte) pour ensuite entamer le déplacement des mains de gauche à droite (flèche bleue). Toute la difficulté du débutant est là, dans le dosage de la rotation du poignet et le changement de sens de l’ondulation hélicoïdale.

Il est possible que la godille sorte de sa dame pendant cette inversion de sens. La raison est simple-, la godille ne pousse plus le bateau, elle se comporte alors comme un vulgaire bout de bois qui traîne derrière : elle remonte à la surface tirée par le bateau qui avance ! La solution réside dans la rapidité de l’enchaînement et surtout dans le petit geste vertical de haut en bas en fin de course pendant la torsion du poignet. La pelle garde alors un appui sur l’eau et évite à l’aviron de sortir de la dame.

Une fois l’inversion terminée, vos poignets doivent être inclinés d’une trentaine de degrés vers la gauche. Vous pouvez alors décaler vos mains latéralement de gauche à droite (étape décrite en bleu). Vous devrez également contrebalancer la force de propulsion de la pelle qui tend à faire remonter la poignée de l’aviron. En fin de mouvement latéral, enroulez vos poignets dans le sens des aiguilles d’une montre tout en amenant la poignée vers le bas (étape en vert) afin de poursuivre le va-et-vient latéral. Commencez par des enchaînements d’une ampleur raisonnable et lorsque vous serez plus à l’aise, amplifiez le mouvement plus loin de chaque bord pour faire un joli huit couché.

Maintenez un rythme régulier. Un cycle d’une durée de 2 secondes avec une godille de 3 m vous suffira pour une cadence de croisière.

* Gildas Roudaut est l’auteur du livre L’Art de la godille, histoire, théorie, pratique, fabrication, paru cette année aux éditions Le Canotier.

Petites astuces
La phase d’inversion de sens (décrite en vert) doit être effectuée d’autant plus rapidement que l’embarcation va vite. Les phases de pro­pulsion sont les phases de dépla­cement latéral des mains. Vous pousserez d’autant plus efficacement votre bateau que vous tirerez votre poignée de godille vers le bas.
Si vous n’avancez pas et que votre­ aviron sort de la dame ou que l’arrière de l’embarcation fait des embardées de tribord à bâbord, c’est que la rotation des poignets est trop importante. Si les déplacements latéraux de vos mains ne rencontrent pas de résistance, c’est que la rotation de vos poignets est insuffisante ou que votre mouvement en huit n’est pas suffisamment allongé.
Si le canot dérive, même légèrement, c’est qu’il y a sans doute trop de vent pour débuter. Vous pouvez alors mouiller une ancre pour que le bateau reste face au vent ; à ce sta­de, le but n’est pas de parcourir de grandes distances mais d’acquérir les gestes. Mettez un mouillage suffisamment long pour godiller quel­ques mètres en remontant sur l’an­cre. Autres possibilités : entraînez-vous à terre en fixant votre da­me sur un support, ou bien dans l’eau, bateau amarré à quai.