La barque, ou “gazelle”, des Sables-d’Olonne est l’un des plus jolis sloups de pêche créés sur le littoral atlantique par le génie des pêcheurs et des constructeurs traditionnels. Ce type d’embarcation est récent, datant de la période 1880 à 1905, grande époque de la pêche vendéenne à la sardine, qui voit cependant les bancs de ce poisson se raréfier sur les proches rivages sablais, forçant les propriétaires des petits sardiniers locaux, canots creux au gréement compliqué, à abandonner la pêche dans les baies proches pour s’élancer plus au large.

Dessin Gazelle des Sables-d'Olonne
Gazelle des Sables-d’Olonne. © J. P. Guillou

Les pêcheurs sablais, bien que fortement concurrencés par les pêcheurs bretons descendus avec leurs embarcations chercher la sardine dans leurs eaux, ne peuvent que remarquer les grandes qualités nautiques de leurs chaloupes creuses : tenue à la mer, vitesse, capacité de remontée au vent.

Pourtant familiers du gréement à misaine qu’ils utilisent pour leurs canots, ils ne tardent pas, en rachetant d’occasion des chaloupes bretonnes, à les regréer en sloup, les dotant d’un pontage, partiel ou total, rajoutant pavois et “planches de pêche”. Ces transformations impliquent la pose d’allonges aux membrures, ainsi que celle d’un ou deux bordages de préceinte dans les hauts. Entre-temps, on abandonne le mode de pêche à la sardine “à tenir debout” pour adopter l’usage des annexes. Les sloups sardiniers sablais, les gazelles, remorqueront ainsi leurs deux annexes, la grande et la petite, sur les lieux de pêche.

Alourdies par leurs transformations, ces anciennes chaloupes, bien que se révélant parfaitement adaptées au métier du pêcheur sablais, perdent une partie de leurs qualités nautiques. C’est pourquoi, à partir de 1906, les constructeurs sablais proposeront aux pêcheurs de plus fortes coques, toujours inspirées des formes des sardinières bretonnes, mais aussi de celles des grandes chaloupes pontées qu’ils excellaient à construire dans les décennies précédentes. D’une construction plus homogène, d’un déplacement plus fort, avec un bouchain moins vif, ce nouveau bateau leur permet de se livrer à d’autres métiers, comme la drague d’hiver et la pêche au thon. Une difficile reconversion s’est ainsi opérée, permettant aux pêcheurs sablais de surmonter, grâce à la polyvalence du type, les crises successives qui ont affecté la pêche à la sardine avant la Première Guerre.

Bateaux anciens rentrant de pêche  à Concarneau
Evrina, lancé à Concarneau en 1903, rentre de pêche vent arrière. © coll. Chasse-Marée

Ainsi transformée, cette embarcation gracieuse et rapide, dotée d’un gouvernail extérieur sur un étambot à la quête bien marquée, avec des entrées fines et des lignes de fuite bien dégagées, retrouve les qualités de vitesse et de maniabilité des anciennes chaloupes bretonnes. La gazelle est née ! L’apogée du type se situe vers 1910 où 27 barques neuves sont mises à l’eau aux Sables, soit un lancement tous les quinze jours. La guerre de 1914 met un frein à la construction, qui repart de plus belle au début des années 20, où seront lancées de belles et grandes barques hauturières. Cependant, les progrès techniques de l’après-guerre, et la pratique de la pêche à la sardine par des pinasses ou des vedettes à moteur, annoncent le déclin rapide de ce type de voilier. Les dernières gazelles seront construites à la fin des années 20 et ne seront pas remplacées.

La coque des barques des Sables-d’Olonne est toujours peinte aux vives couleurs chères aux pêcheurs de la localité. Ces coloris peuvent se retrouver sur plusieurs générations de navires. Certains des chalutiers de la flottille actuelle sont toujours ornés des couleurs du bateau du grand-père, voire de l’arrière-grand-père. Les voiles sont également colorées et quelquefois ornées de dessins ou d’emblèmes : étoiles, lettres initiales, bouquet, animal.