Les côtes du Trégor sont fréquentées par un type de bateau de travail à deux mâts portant des voiles au tiers, dont un taillevent : ces petits flambarts, au tonnage et à la silhouette très variable, travaillent comme sabliers, goémoniers, pêcheurs côtiers, sardiniers et même pilotes. Si les pêcheurs locaux sont restés longtemps attachés à ce gréement de flambart, c’est qu’il leur permet de passer d’une activité à l’autre sans avoir à modifier leur embarcation, et de naviguer été comme hiver en Manche où dominent les vents d’Ouest ou de Nord-Ouest.

Dessin Flambart du Trégor
Flambart du Trégor. © J. P. Guillou

Dès 1865, Armand Pâris, de passage à Lannion, dresse le plan d’un solide canot, calant peu d’eau, de 6 à 8 mètres de long, à cul carré avec un petit taillevent bômé et une grande misaine. L’une de ses particularités est le court pontage transversal en arrière du mât de misaine, qui permet aux matelots de manœuvrer et de tenir les affaires au sec. L’étrave présente à cette époque un net élancement. Les bateaux sont construits localement.

A la fin du XIXe siècle, certains patrons font construire au chantier Sibiril, très renommé : le type prend alors un “style Carantec” avec une étrave plus droite, une coque râblée et un taillevent nettement plus grand que la misaine. Puis, en 1920, la coque s’élargit, l’étambot s’incline et le tirant d’eau devient plus fort, en raison de l’abandon progressif de la récolte des amendements marins pour la pêche de la sardine qui demande un bateau très évolutif. Certaines unités sont même dotées d’un foc, d’une voûte carrée, et leur carène ressemble à celle des cotres de la baie de Morlaix.

Au milieu du XIXe siècle, la pêche à la sardine prend un grand développement, à partir, notamment, du port de Locquémeau qui, de par sa position avancée, permet de se rendre rapidement sur les lieux de pêche. Le flambart sardinier, très voilé, est monté par 3 ou 4 hommes. A la belle saison, les marins font deux sorties par jour. La pêche se fait toujours à l’aviron, bateau démâté, voiles ferlées sur les mâts. On utilise la rogue et le filet droit. La pêche terminée, on fait voile sur Locquémeau le plus vite possible pour faire la meilleure vente, retour qui se termine immanquablement en régates. En 1909, on dénombre plus de 70 bateaux à Locquémeau. Mais, avec la disparition de la sardine au début du siècle, des usines ferment. Entre les deux guerres, la sardine revient un peu, mais disparaît définitivement de la baie en 1954.

Régate ancienne Perros-Guirec
La Marie-Françoise, sous taillevent seul, au retour des régates de Perros-Guirec. © coll. Chasse-Marée

La récolte des amendements marins – goémon, sable, maërl – se fait d’octobre à décembre et d’avril à juin dans de nombreux havres du Trégor. Cette activité, liée aux -besoins de la vie rurale, n’exige pas de véritables installations portuaires. A Lannion, l’anse de Viarmes, est réservée au sable et au goémon noir, dont les cultivateurs viennent remplir leurs charrettes. Entre 1850 et 1920, -cette activité concerne 70 flambarts, chacun embarquant 4 hommes, chaque batelée faisant 4 tonneaux. Pour le goémon, le patron échoue le bateau sur un champ d’algues marqué la veille par une bouée. Tout l’équipage participe à la coupe qui se fait à la faucille. Au flot, le bateau regagne la côte, la lisse au ras de l’eau. C’est le moment critique : il faut étaler le courant, éviter les sautes de vent et bien négocier les changements d’amure. Les naufrages ne sont pas rares.

Les flambarts de Lannion vont charger le sable à l’embouchure du Léguer et dans la baie. Le bateau, échoué sur un banc, est chargé à la pelle. A la marée montante, on remonte jusqu’au quai en profitant du courant de flot. Lorsque le banc ne découvre pas, on peut aussi draguer le sable, mais seulement avec un bateau toilé et puissant comme le flambart.