Confrontés à la crise sardinière de 1902-1907 et au dépeuplement alarmant des fonds de pêche traditionnels, les patrons-armateurs douarnenistes, comme ceux d’autres ports bretons (notamment Groix), décident de se rendre sur les côtes du Rio del Oro et de la Mauritanie, dont une étude scientifique confirme, en 1906, la richesse des fonds marins.

Dessin dundée mauritanien de Douarnenez.
Dundée mauritanien de Douarnenez. © J. P. Guillou

L’enjeu principal est, pour eux, de disposer de navires parfaitement adaptés : rapides, car les distances à parcourir sont importantes, dotés d’un vivier d’une capacité suffisante, pour rentabiliser les voyages et permettre une bonne conservation des prises, ces voiliers hauturiers sont munis de deux canots annexes suffisamment solides et manœuvrants pour mouiller les filets très près de la côte, là où se trouvent les langoustes, mais où se forment aussi rouleaux et brisants.

En 1910, les deux premiers bateaux de Douarnenez à se rendre en Mauritanie, la Santez-Anna et la Jeanne d’Arc, ne sont encore que de petits dundées à vivier de 26 tonneaux, construits à Paimpol, pour la pêche du Portugal à la Cornouailles. Le Philanthrope, qui les suit de peu, est déjà plus imposant avec ses 68 tonneaux, même s’il s’agit encore d’un voilier construit pour pratiquer la pêche traditionnelle, thon l’été et langouste l’hiver.

C’est en 1913 qu’apparaît le dundée mauritanien, ou “grand dundée”, dont le Michel de Nobletz, le Général Lyautey, le Tropique et l’Ami de Dieu, jaugeant chacun 100 tonneaux, sont les premiers représentants. Ces bateaux, conçus spécialement pour la pêche sur les côtes de Mauritanie, mais que certains patrons conduiront jusqu’aux Antilles, seront pour une grande part construits aux Sables-d’Olonne.

Le Mont Blanc, patron Charles Grégoire. © coll. part.

Souvent désignés par leur longueur de quille, “52 pieds”, “60 pieds”, ils se distinguent par leur élégance : de proportions générales un peu plus étroites que celles des grands dundées thoniers, leur voûte est plutôt moins développée. Deux goulots, couverts par des caillebotis, permettent d’accéder au vivier. Le gréement de ketch franc s’inspire de celui des dundées de cabotage et de celui des thoniers, le grand mât à pible étant soutenu par trois haubans de chaque bord. Quatre bastaques, les caliornes, permettent la mise à l’eau des canots annexes.

La grand voile, bordant sur un gui franc, est doublée d’un flèche quadrangulaire à vergue ; le guindant coulisse souvent le long d’un “mât de corde”. Quatre voiles d’avant peuvent être hissées : un grand foc ou foc de route, un foc ballon de grande surface hissé à une poulie de tête de mât, une trinquette bordant un peu en arrière des haubans, enfin une trinquette ballon, utilisée au vent arrière lors de la “descente” vers l’Afrique.

Le voyage aller (15 à 35 jours) s’effectue d’une seule traite jusqu’aux Canaries qui servent d’atterrissage, parfois d’escale. Puis le cap est mis sur le Rio del Oro et la Mauritanie. Commence alors pour le patron et son équipage, pendant plusieurs semaines, le travail intense, répétitif et souvent dangereux du mouillage des filets et de leur relevage quelques heures plus tard. Vivier plein, ou à cours de vivres, le patron donne l’ordre du retour, espérant ne rencontrer ni calme plat, ni mauvais temps, causes d’une forte mortalité dans le vivier.

Ces campagnes lointaines, aux résultats toujours aléatoires, mais parfois très lucratifs, vécues dans des conditions spartiates, forgeront la réputation enviée des patrons de Mauritanie et de leurs équipages et leur vaudront le surnom de “Seigneurs de la mer”. Avec la motorisation, le type se développera progressivement jusqu’à l’arrêt de cette activité dans les années 1980.