Au début des années 1900, Boulogne est le premier port de pêche français. Le poisson bleu, hareng et maquereau, représente les trois quarts du -tonnage débarqué, et les deux tiers de sa valeur. Les drifters à vapeur n’en étant qu’à leur début, l’essentiel de ce poisson est pêché par environ 80 grands harenguiers gréés en “dundées”, tous construits à Boulogne.
Les harenguiers lancés à la fin du siècle sont des bateaux de 130 à 160 -tonneaux de jauge brute, de 24 à 28 mètres de quille, de 6,5 à 7 mètres de plus grande largeur. A côté d’eux, pratiquant les mêmes pêches, mais armés à la part, les PL sont des dundées appartenant presque tous à des armements familiaux du -Portel. Leur tonnage est plus faible : 50 à 80 tonneaux pour 18 à 21 mètres de quille.
Le grand mât porte une voile à corne, dépourvue de bôme, et surmontée d’un flèche carré, dit hunier à Boulogne. Le mât d’artimon ou malet, incliné sur l’avant et de hauteur presque identique, porte également une voile à corne plus petite, gréée sur un arc-boutant débordant largement sur l’arrière, et un flèche carré, dit pantalon. Le gréement est complété par une trinquette, un foc sur bout-dehors (beaupré) et une voile d’étai. Bout-dehors de foc et queue-de-malet sont rentrés quand le bateau est au port.
Les autres particularités de ces voiliers sont liées au type de pêche pratiqué. Le hareng et le maquereau sont pêchés aux filets dérivants. Une fois ses roies ou manets tendus, le harenguier reste “en drôme” à l’extrémité de son train de pêche. Le grand mât, dont le pied est guidé par de fortes courbes de bois (bracons), est alors abattu à 45°. Pour cela, l’étai est muni d’un fort palan gréé de poulies à trois réas. L’absence de bôme de la grand voile limite son encombrement sur le pont. Son écoute de grand voile court sur une barre métallique en arc de cercle, située devant le mât d’artimon, l’overlope. Le cabestan, actionné par une petite machine à vapeur, est utilisé pour virer le train de pêche, pour les manœuvres de gréement et la manutention des tonnes de sel et de poisson. Les dimensions du harenguier lui permettent d’abriter un équipage de 20 à 22 hommes, un train de pêche de plusieurs kilomètres, les tonnes vides, le sel, les cordages, et les quarts-à-poche, des bouées en tonnellerie qui soutiennent les filets.
Parti au début du mois de mars vers l’entrée de la Manche, de la Cornouailles anglaise à la côte sud de l’Irlande, le dundée fait trois ou quatre voyages pour la pêche du maquereau. En juin, le bateau est désarmé, puis réarmé au hareng. La première pêche, mise en sel ou en glace, s’effectue sur les côtes d’Ecosse en trois à cinq semaines. Puis, elle a lieu de plus en plus près de Boulogne, sur les côtes anglaises, à l’entrée de la Manche. Fin octobre, le hareng est à quelques heures de Boulogne ; début novembre, il se pêche “dans nos mers” et le bateau rentre chaque matin débarquer le hareng frais. Fin novembre, puis en décembre, la pêche se prolonge devant les côtes normandes pour s’achever en janvier en baie de Seine. Le hareng est alors débarqué à Dieppe, Fécamp ou Boulogne.
Le dundée harenguier est le résultat d’une évolution rapide, entamée à la fin des années 1860. En quelques années, la flottille boulonnaise jusque-là composée de lougres adopte, à l’instar de Fécamp, les filets en coton, le gréement de “dandy”, comme on dit à l’époque, le cabestan à vapeur et le paiement de l’équipage “aux gages” et non plus à la part. Ces évolutions entraînent l’agrandissement des bateaux. En 1909, les derniers harenguiers construits dépassent 30 mètres et 180 tonneaux.