Etretat et Yport, stations -balnéaires réputées dès 1860, sont les deux principaux ports d’échouage de la côte du pays de Caux, qui offrent une vie maritime très intense. -Cette côte, constituée d’une haute -falaise de craie sur près de 130 kilomètres de long, et plus de 100 mètres de haut à Fécamp, est entaillée de valleuses. Celles-ci offrent des accès à la mer et les plus profondes sont devenues des ports (Fécamp, Saint-Valery-en-Caux, -Dieppe et Le Tréport) ; d’autres, plus petites, comme celles d’Etretat, d’Yport ou de Veulette sont, encore aujourd’hui, des ports d’échouage.

Caïque d’Yport et d’Etretat. © J. P. Guillou

Les barques utilisées sur les plages d’Yport et d’Etretat, -appelées caïques, sont toutes construites à clins, ce qui leur assure à la fois légèreté -relative et solidité pour les lancements et les échouages journaliers sur les plages de galets. On compte trois tailles de bateau : les -canots (moins de 6 mètres), les demi-caïques (entre 6 et 8 mètres) et les caïques (entre 8 et 10 mètres). Les caïques jaugent environ 10 tonneaux pour un poids d’environ 9 à 10 tonnes, matériel de pêche compris. Ces -bateaux sont chaque jour échoués et virés au sec à l’aide d’un fort cabestan, situé sur le –perrey, la partie la plus haute de la plage, celle qui n’est jamais atteinte par l’eau, même lors des grandes marées. Ce sont les femmes des hommes d’équipage qui virent au cabestan. Pour aider au virage, des pans de bois suiffé sont glissés un à un sous la quille. Pour le lancement, une vingtaine d’hommes poussent du dos la caïque pour la faire glisser sur les pans et la descendre jusqu’à l’eau.

Les caïques ont une durée de vie qui ne dépasse -guère 15 ans. Les anciennes barques ne sont pas pour autant démolies : hissées en haut du perrey, elles sont souvent transformées en caloges, -coiffées d’un toit de chaume, et servent de -magasins à stocker du matériel. Au début du xxe siècle, la flottille d’Yport compte environ une vingtaine de caïques et celle d’Etretat près d’une trentaine.

Juste avant la Grande Guerre, deux types de gréement sont -utilisés dans ces ports. Chez les “Dos-plats” d’Etretat, le spectaculaire gréement de lougre -existe encore, mais chez les “Grecs”, à Yport, il a été remplacé par le gréement de bourcet-malet. Après la guerre, seul ce dernier perdurera. Les caïques gréées en lougre -possèdent trois mâts : ce sont les derniers bateaux des côtes de France à porter cet ancien gréement. Le grand mât rabattable – comme le mât de misaine – fait une fois et demie la longueur du bateau, soit une -quinzaine de mètres. Le gréement est constitué de quatre voiles au tiers, un tapecul à -l’arrière, une énorme grand voile amurée en abord surmontée d’un hunier, et une grande misaine amurée de -manière originale sur l’extrémité du bout-dehors (ou sur l’étrave en hiver). Ce gréement hors d’âge est utilisé, dans sa totalité, uniquement par beau temps.

La pêche du hareng aux filets dérivants se pratique à partir de mi-octobre jusqu’en janvier. Au printemps et jusqu’à la saison du hareng, les Yportais arment aux cordes et les Etretatais plutôt aux tramats et aux fôlles. Le métier des grosses cordes reste la -spécialité des Yportais : ils vont tendre 90 pièces de lignes de 100 mètres de long garnies d’environ 1 500 hameçons au large de l’île de Wight. Ils rapportent des congres, des roussettes, des turbots, des raies, mais aussi de belles morues. La pêche aux fôlles, ou filets de fond, est pratiquée par les Etretatais au large des falaises cauchoises. Les barques plus -petites tendent en plus des casiers pour prendre de la “rocaille”, homards, tourteaux, araignées et étrilles. Que ce soit à Yport ou à Etretat, les pêcheurs rentrent systématiquement tous les jours et le -poisson est déchargé, nettoyé et vendu à même la plage.