Les bateaux kerhors appartiennent à une communauté de pêcheurs qui fournit en poisson frais une grande partie de l’agglomération brestoise. Leur base est située à Kerhuon, sur la rive Nord-Est de la rade de Brest. Les patrons-pêcheurs sont propriétaires de leurs outils de travail, des bateaux qui sont tous du même type, avec un faible écart de tonnage (de 1,9 à 2 tonneaux), la silhouette et les dispositions intérieures étant communes et inchangées depuis des décennies.

Dessin bateau Kerhor
Bateau Kerhor. © J. P. Guillou

Ces petites chaloupes, non pontées et dotées de trois bancs de nage, portent en majorité des prénoms féminins, dont nombre sont composés avec Marie : Marie-Jeanne est le nom le plus souvent donné aux bateaux kerhors au tournant du siècle dernier.

La flotte compte, à cette époque, une bonne quarantaine d’unités, mais elle est en déclin constant depuis 1880 où elle a atteint les 60 bateaux. C’est le chantier voisin du Pouldu, celui des Hily, qui en a construit la plus grande part depuis 1823, et c’est lui qui lance deux, trois ou quatre coques chaque année pour assurer l’expansion, jusqu’en 1880, puis le simple renouvellement de la flottille.

La zone de pêche des Kerhors est limitée, le plus souvent, à la rade de Brest et aux rivières qui s’y jettent. Mais, au début du siècle, elle s’élargit à la mer d’Iroise, au chenal du Four et aux îles de Béniguet, Quéménès et Lytiry. Le port du Conquet devient alors une base secondaire, d’où les équipages rejoignent Kerhuon en train tous les quinze jours.

La propulsion s’effectue habituellement à l’aide de deux grands avirons. La voilure – taillevent et misaine sans recouvrement – n’est utilisée qu’occasionnellement par vents portants, notamment pour rentrer en rade depuis l’Iroise.

La conception de ces petites chaloupes de moins de 6 m est le fruit d’un compromis entre trois exigences contradictoires : celle du transport sur les lieux de travail, celle qui découle des opérations de pêche et celle du logement de l’équipage pendant les six jours hebdomadaires d’une marée. La bonne adaptation du type à ces critères est attestée par le maintien, pendant des décennies, d’un modèle qui évolue peu. Le chantier Hily construit son premier bateau à moteur en 1903, mais les pêcheurs kerhors n’adoptent la mécanique qu’en 1928 avec toutes les modifications de lignes – notamment un arrière à tableau – qu’elle entraîne.

Deux bateaux cabanés
Bateaux kerhor cabanés à Saint-Nicolas. © coll. Chasse-Marée

Ils pêchent au filet (une senne à petites mailles d’une longueur de 50 à 100 mètres) avec, le plus souvent, un bout à terre, en fin de jusant et début de flot. Deux matelots sont aux avirons, un autre, à l’arrière, contrôle l’écoulement du filet à la mer, le dernier, à terre, tient la touline. Une fois la chaloupe revenue à la rive, qu’elle peut approcher grâce à son faible tirant d’eau, tout l’équipage unit ses efforts pour ramener le filet et son contenu : à terre ou à bord. L’équipage est rémunéré à la part et il gagne bien sa vie au début du siècle. Traditionnellement, la moitié des gains revient au patron qui est propriétaire du bateau et du matériel.

L’équipage, en rade, vit à bord sept jours sur huit, sous une tente qui le protège des intempéries et qui couvre les trois quarts avant du bateau. Là se trouve la plate-forme surélevée qui reçoit les paillasses où couchent, tête-bêche, les quatre matelots parmi lesquels on trouve parfois une femme. Les repas se préparent sur l’arrière, au plus creux du kerhor, dans une marmite qui est suspendue au-dessus d’un feu de bois, allumé sur une plaque de fer posée sur des cailloux. Les matelots se servent de coquilles Saint-Jacques emmanchées en guise de cuillers : les frais de l’équipage sont réduits au plus juste.