Berck est surtout connu pour ses hôpitaux et son immense plage de sable. L’été, celle-ci est envahie par les vacanciers qui sont loin d’imaginer qu’il y a un siècle, une centaine de bateaux de pêche à voile venaient s’échouer sur son sable. Dès ses origines, Berck a vécu de la pêche côtière, mais les activités ont évolué au fil des siècles.

dessin bateau de Berck
Bateau de Berck © J. P. Guillou

A la fin du XIXe siècle, le métier des petites et grosses cordes (lignes de fond de plusieurs kilomètres), pratiqué toute l’année, est prédominant. Mais la pêche du maquereau à la ligne, du bord du bateau et du bachou (annexe en remorque), est aussi pratiquée l’été. Quelques bateaux pêchent au chalut à bâton, mais ils restent minoritaires. La pêche au hareng aux filets dérivants mobilise, en revanche, l’ensemble de la flottille d’octobre à décembre et permet aux familles de pêcheurs de survivre. Le déclin de cette pêche est lié à la concurrence des grands ports comme Boulogne ou Fécamp, et, avant 1914, les armements ne sont pratiquement plus l’affaire que des seuls patrons et non plus celle d’armateurs-constructeurs comme ce fut le cas au XIXe siècle.

C’est à Berck qu’ont été construits les plus gros bateaux d’échouage des côtes de France. Il n’en a pas toujours été ainsi, car, au XIXe siècle, les plus grands bateaux font seulement 8 mètres de long et jaugent 9 tonneaux. Ils sont spécialisés dans la pêche à la “drague” ou à la “dreige”, deux sortes de filets traînants.

De plus petites unités pratiquent la pêche aux ains (hameçons des cordes). Ces bateaux ne sont pas -pontés, ils sont gréés en bourcet-malet et l’usage des avirons est omniprésent. La recherche de fonds -poissonneux éloignés a contraint les armateurs à -augmenter le tonnage de ces embarcations non pontées qui ont mesuré jusqu’à 10,23 mètres de longueur pour une jauge de 16,85 tonneaux, en 1886.

Cependant, en 1861, cinq bateaux se perdent corps et biens et 32 marins -disparaissent dans une violente tempête. Les armateurs-constructeurs décident alors de ponter leurs navires. Ce sont ces nouveaux voiliers pontés qui, dans leur évolution jusqu’à la Première Guerre mondiale, aboutiront aux plus gros bateaux berckois, jaugeant jusqu’à 21,76 tonneaux pour 11,81 mètres de long et 5,05 mètres de large en 1887. Un autre type de voilier, plus petit, le demi-ponté, appelé aussi “demi-bateau”, a également existé. Il ressemble extérieurement aux bateaux pontés.

L’échouage met à rude épreuve ces unités qui sont démolies après 5 à 7 ans de navigation. Les quatre chantiers locaux ne chôment donc pas : entre 1880 et 1890, ils construisent 12 à 24 bateaux par an. La dérive centrale apparaît vers 1870 dans la région. Elle améliore considérablement la remontée au vent et rend le bateau très évolutif.

Ces trois types de voiliers sont construits à clins, en orme du pays. La charpente intérieure est assez forte, à maille serrée, constituée d’une alternance de varangues découpées et de membrures ployées. Le maître-couple se situe environ au tiers avant de la quille ; le fond est très plat. Le rapport longueur/ largeur tourne autour de 2,4. L’arrière est doté d’un tableau très haut, assez incliné et descendant très bas. Une sorte de portique, appelé miche, est fixée à l’intérieur du tableau arrière ; il reçoit le grand mât qui est amené quand le bateau est en pêche dérivante ou en manœuvre à l’aviron. Ce grand mât (mâtrait), situé à l’extrême avant, peut s’abattre, guidé par deux fortes pièces de bois jumelles, les bracons.

 

Bateau de Berck au sec
La Sainte-Marie Joseph de Saint Valérie sur Somme, construit en 1902. © coll. Chasse-Marée

Deux voiles au tiers équipent ces mâts : un bourcet (grand voile) aux nombreuses bandes de ris, dont l’écoute fait dormant sur l’overlope, et un malet à l’arrière qui se borde sur une queue-de-malet relevable. A l’avant, un bout-dehors très long, passant à bâbord de l’étrave, sert, par l’intermédiaire d’un rocambeau, à envoyer un foc.

Ces trois bateaux se différencient par leur aménagement intérieur. Le bateau non ponté, appelé aussi cordier, est entièrement creux, sans logement d’équipage. L’espace sous les tillacs avant et arrière abrite le matériel de bord. Le patron est à la barre, assis sur un coffre, d’où il domine les matelots assis sur les bancs. Leurs longs avirons traversent la muraille par des trous ronds. Les plus grands cordiers comptent jusqu’à huit paires d’avirons pour un équipage d’une vingtaine d’hommes, mousses compris. Le poêle à charbon est le seul confort du bord et sert à la cuisson de la caudière (poissons cuits à l’eau de mer). Les matelots s’abritent des intempéries dans de grandes pèlerines en laine, les capous.

Les bateaux pontés ont un poste d’équipage très exigu à l’avant ; plusieurs cloisons séparent le matériel de pêche, celui du bord et le poisson (surtout le hareng). Ces grands bateaux peuvent être armés par plus de 20 hommes d’équipage pendant la harengaison. Enfin, le demi-ponté, de tonnage inférieur (considéré par la Douane comme non ponté), n’a qu’un poste d’équipage couvert à l’avant, l’arrière ressemblant à celui du cordier.

Au début du XXe siècle, plus de 500 marins -arment les 86 bateaux de Berck. Les équipages changent souvent de bateau, patron compris, en fonction des pêches pratiquées. Chaussés de gigantesques bottes de cuir qui montent jusqu’en haut des cuisses, la tête coiffée du bonnet à quartier et le lainé (petit filet à provision) en bandoulière, les matelots berckois se reconnaissent de loin. Leurs femmes, les blancs bonnets, s’occupent de l’entretien du matériel de pêche, hacquent les cordes (amorçage avec des vers marins), viennent chercher le poisson à l’arrivée des bateaux, le transportent dans des paniers et aident aussi à renflouer les bateaux quand c’est nécessaire.