Le bateau bœuf est le plus grand voilier de pêche du littoral méditerranéen. Ses formes et son gréement, issus de la tartane provençale, ont évolué au début du XIXe siècle, pour se fixer définitivement dans la deuxième moitié du siècle.

Bateau bœuf. © J. P. Guillou

Ce qui caractérise le bateau bœuf au premier coup d’œil ce sont les façons de l’avant. Le maître-bau avancé dégage des formes très pleines, presque lourdes, qui, associées à un arrière plus fin, contribuent à mettre le bateau en différence. Ce type de formes constitue un exemple unique en Méditerranée. L’étrave courbe n’a pas l’élancement de la tartane, la liaison avec la quille se fait par un brion à angle vif, sans doute pour assurer un meilleur cap au près. La quête d’étambot et le grand safran améliorent l’efficacité du plan de dérive. Tout dans ces lignes trahit le bateau de travail, c’est un véritable laboureur des mers.

Avec sa grande voile latine, la mestre, et son jeu de focs, le trinquet, le gran defès, un grand foc original à double point de drisse, et le pichot defès, envoyés sur un long bout-dehors, la silhouette du bateau bœuf est proche de celle de la tartane. Mais son gréement est plus simple : pas de voile de flèche, pas de ris, pas de cargues ; il est aussi plus ramassé pour abaisser le centre de voilure. A cette étape de son évolution, le gréement latin a beaucoup perdu de sa mobilité, il y a très peu de toile devant le mât et l’antenne n’est jamais débordée comme sur les barques catalanes. Au virement vent devant, la voile passe d’un bord sur l’autre par le simple jeu des palans de devant. Cette simplification du gréement a permis de réduire l’équipage. Dans ces conditions, quatre à cinq hommes suffisent pour la manœuvre.

De la tartane au bateau bœuf, on est passé d’un bateau de charge polyvalent à un bateau de pêche extrêmement spécialisé. Le bateau bœuf est voué si exclusivement à la pêche au bœuf en couple, qu’il en a perdu jusqu’à son nom d’origine. C’est un cas exemplaire d’évolution technologique liée à une technique de pêche, la pêche au bœuf. Cette forme de chalutage se pratique à l’aide de deux bateaux, le baou et la conserve, qui remorquent un chalut en couple à la manière d’une paire de bœufs tirant une charrue. Deux bateaux travaillent, mais un seul, le baou, est en pêche, chaque bateau pêchant un jour sur deux. Ce sont les pêcheurs catalans qui ont introduit cette pêche sur les côtes languedociennes au XVIIIe siècle, où elle s’est développée très rapidement, malgré les multiples protestations des pêcheurs des petits métiers.

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Retour de pêche à Sète. © coll. Chasse-Marée

Pour l’essentiel, l’aire géographique du bateau bœuf est circonscrite au golfe du Lion, dont les eaux recouvrent un vaste plateau continental, la Planasse. Les eaux du Rhône, l’ensoleillement et le régime des vents, ont créé ici les conditions d’une grande richesse halieutique. Le développement du plancton, les frayères du fond des golfes et des étangs attirent dès le mois d’avril la migration des poissons bleus, thons, sardines et maquereaux, et favorisent la prolifération des espèces locales, daurades, rougets, grondins, merlans, baudroies, raies, seiches et poulpes.

On trouve des bateaux bœufs aux Martigues, au Grau-du-Roi, à Agde, mais c’est le port de Sète qui a accueilli la plus grande partie de la flotte, 72 unités en 1906. Depuis, l’image du bateau bœuf est indissolublement liée à l’histoire du port de Sète.