Par Jean-Yves Béquignon – Construit au Québec en 1983, l’ex‑catamaran de course de Mike Birch est reconverti en navire tout-électrique en 2015 par Victorien Erussard et son équipe. Entre 2017 et 2024, ils accomplissent une Odyssée en 101 escales avec Energy Observer, premier navire à accomplir un tour du monde en combinant des énergies renouvelables et une chaîne de production d’hydrogène à partir de l’eau de mer.

Septembre 2024, Paris. Le long de la promenade Gisèle-Halimi qui borde la Seine, un navire insolite est amarré au port du Gros Caillou. Un grand catamaran bleu et blanc, qui rappelle les multicoques de course des années 1980, dépourvu de mâture, est entièrement couvert de panneaux solaires. Les flotteurs portent en grosses lettres la marque Energy Observer. Un village d’exposition est installé à proximité. J’apprends que le bateau, lui-même baptisé Energy Observer, est de retour à Paris, à l’issue d’un tour du monde, constitué de plusieurs phases de difficulté croissante. L’odyssée a duré sept ans pendant lesquels le navire expérimental a parcouru une distance supérieure à trois fois le tour de la Terre sans émettre aucun gaz à effet de serre.

Officier de la marine marchande de formation, féru de voile et sportif de haut niveau, Victorien Erussard est à l’origine de ce projet ambitieux. Après plus de dix ans de course au large, une panne d’alternateur Diesel le pénalise fortement au milieu de l’Atlantique, pendant la Transat Jacques-Vabre de 2013. Il réalise que son voilier, le Class40 Solidaires En Peloton, fait trop confiance aux énergies fossiles et qu’entouré de sources d’énergie renouvelables, il est incapable de les exploiter. Cela provoque le déclic qui le conduira deux ans plus tard à renoncer à la course pour se consacrer exclusivement au défi de créer un navire laboratoire emblématique de la transition énergétique, avec pour champ d’expérimentation le monde entier.

En 2013, l’épave est conduite à Lorient

Le projet prend forme dès 2013 avec l’acquisition d’un catamaran de légende réduit à l’état d’épave qui fut le plus grand et le plus rapide multicoque de course des années 1980. Construit en 1983 au Québec pour Mike Birch par le chantier Canadair – célèbre pour ses avions bombardiers d’eau –, le voilier, baptisé Formule Tag, a participé en 1984 à la première Québec-Saint-Malo en établissant un record de vitesse à la voile sur vingt-quatre heures en équipage avec 512,5 milles parcourus. Racheté en 1992 par Peter Blake et Robin Knox-Johnston qui le rallongent et intègrent une cabine de vie centrale, il devient Enza New Zealand. En 1993, une première tentative du Trophée Jules-Verne est interrompue après la collision avec un iceberg. Nouvel essai couronné de succès l’année suivante où Enza New Zealand boucle le tour du monde en 74 jours, 22 heures et 17 minutes, à la vitesse moyenne de 14,7 nœuds.

Ancien coureur au large, Victorien Erussard est à l’origine de l’ambitieux projet d’Energy Observer. © Energy Observer
Après être passé entre les mains de Peter Blake et de Robin Knox-Johnston, l’ex-Formule Tag bat le record féminin de l’Atlantique nord avec Tracy Edwards qui l’a rebaptisée Royal and Sun Alliance en 1997. © Après être passé entre les mains de Peter Blake et de Robin Knox-Johnston, l’ex-Formule Tag bat le record féminin de l’Atlantique nord avec Tracy Edwards qui l’a rebaptisée Royal and Sun Alliance en 1997. © Mark Pepper/PA Images

Puis, le catamaran passe entre plusieurs mains. En 1997, Tracy Edwards le rebaptise Royal and Sun Alliance et bat le record féminin de l’Atlantique nord en 1998. Deux ans plus tard, Tony Bullimore l’allonge à 102 pieds et le renomme successivement Team Legato, Daedalus, puis Doha. Mais en octobre 2010, devenu Spirit of Antigua, le bateau chavire avant d’être abandonné sur le port de Brest…

En 2013, l’épave récupérée est conduite au chantier naval Marsaudon de Lorient. Une fois dépouillé de ses équipements de course, le navire reçoit une nacelle centrale. « On a vraiment commencé à le transformer à Saint-Malo en 2015 en installant trois chantiers navals éphémères », explique Victorien Erussard. « Cela a été très complexe de le modifier pour intégrer les technologies modernes, et pour les projets futurs, on partira sur une construction neuve. » L’équipage a migré vers la nacelle centrale, alors qu’il était naguère hébergé dans les coques, qui accueillent désormais les dispositifs énergétiques.

Victorien Erussard égrène les chiffres clés du projet qu’il a mené à bien : « Quatre ans de préparation, deux cent cinquante mille heures de travail, sept commissions centrales de sécurité, plus de quarante ingénieurs et techniciens travaillant au projet, plus de cinquante partenaires, quatre cents collaborateurs. Et 3,14 fois le tour du monde en distance parcourue, total très précis – soit 68 000 milles. Enfin, cinquante pays visités, en cent une escale. Une seule grosse avarie, en Malaisie, où le bateau calé sur bers pour entretien est tombé. Autre gros problème, la crise sanitaire engendrée par le covid. Pour partager le projet, le village a été installé plus de dix-sept fois dans le monde. Sept années au cours desquelles on a navigué partout pour tester les technologies en milieu extrême, très chaud ou très froid. »

Ces technologies, quelles sont-elles ? Energy Observer est un navire tout-électrique. Chacune des coques abrite un moteur de propulsion électrique qu’il faut alimenter en utilisant des énergies renouvelables. Un simple coup d’œil à la surface recouverte de panneaux photovoltaïques permet de comprendre que l’énergie solaire est à la base du système qui a évolué tout au long du voyage. Les énergies éolienne et hydrolienne sont également utilisées. L’énergie captée est emmagasinée dans deux systèmes de stockage complémentaires, à court terme dans un parc de batteries ion-lithium 400 volts, et à long terme grâce à huit réservoirs contenant un total de 62 kilos d’hydrogène, ce gaz étant produit à bord par électrolyse de l’eau de mer.

Pourquoi avoir fait ce choix de stocker de l’hydrogène plutôt que d’augmenter le parc de batteries ? Outre la volonté de tester en milieu maritime une chaîne hydrogène, le poids a été déterminant. Avec 2 tonnes de batteries embarquées, ce parc de 400 volts chargé à 100 pour cent restitue 100 kWh et assure une quinzaine d’heures d’autonomie. En contrepartie, toute la chaîne hydrogène, pile à combustible comprise, pèse aussi 2 tonnes mais produit 1 MWh soit, à poids équivalent, dix fois plus d’énergie. À l’origine, le catamaran de course déplaçait moins de 10 tonnes. Energy Observer en accuse 35 et c’est le maximum tolérable, notamment pour les bras de liaison.

En 2017, devenu Energy Observer, le catamaran fait des essais avec une voile de kite, vite abandonnée. © Energy Observer

Schématiquement, le fonctionnement du navire est le suivant, explique l’équipe : « En escale, les batteries sont chargées par des panneaux solaires. Lorsqu’elles atteignent 100 pour cent, l’excédent d’énergie est redirigé pour produire de l’hydrogène via l’électrolyse de l’eau de mer.
En navigation, les consommations électriques de propulsion et de vie à bord sont compensées par les différentes énergies, solaire, éolienne et hydrolienne. Pour prolonger l’autonomie, la pile à combustible, de marque Toyota, restitue l’énergie de l’hydrogène en électricité et en chaleur. »

Initialement de 130 mètres carrés, la surface des panneaux solaires a été augmentée à quatre reprises jusqu’à atteindre 202 mètres carrés. Les panneaux qui ne sont pas collés sur le pont sont bifaciaux, disposés de façon à capter l’énergie solaire à la fois directement et par réflexion sur la surface de l’eau.

L’énergie éolienne a pris plusieurs formes. Initialement, deux éoliennes à axe vertical étaient posées de part et d’autre de la nacelle centrale. Si elles assuraient une bonne production en stationnaire, leur fardage s’est révélé trop important en route. L’une d’elles a aussi connu des problèmes de vibration. Ainsi pour des raisons de fardage mais aussi de poids et d’encombrement, ces machines ont été débarquées et remplacées par un autre système éolien : des ailes de propulsion Ayro – maintenant OceanWings –, dont c’était la première installation sur un navire hauturier. Grâce à elles, le catamaran peut se déplacer par la seule force du vent, permettant aux hélices de fonctionner en mode hydrolien pour la recharge des batteries, les moteurs électriques étant réversibles.

Energy Observer est équipé de panneaux solaires qui occupent une surface de 202 mètres carrés. © Amélie Conty

Des essais en mer avec une aile de kite de 16 mètres carrés ont été réalisés en 2017. La surface du cerf-volant final devait atteindre 50 mètres carrés. Mais la configuration du pont n’était pas suffisamment adaptée aux manœuvres requises par une telle voile, et présentait beaucoup de risque de casse. Intéressant dans le cadre d’une traversée océanique par vent stable, les changements de cap fréquents lors des navigations côtières du catamaran ont rendu l’utilisation de l’aile de traction inadaptée. Elle a été débarquée en 2018.

L’équipage type est constitué de cinq personnes qui arment les postes de capitaine, bosco, ingénieur systèmes, journaliste et scientifique. Hébergé dans la nacelle, il dispose d’un bel appartement de 75 mètres carrés, offrant sept cabines et un grand espace de vie qui englobe le meuble de cuisine électrique.

Deux bordées se sont relayées pendant l’Odyssée. Marin Jarry et Jean-Sébastien Sanchez ont tour à tour conduit l’expédition maritime. « On a été un peu plus de quinze à se relayer sur le bateau pendant sept ans. Nous étions partis pour tester des technologies sous toutes les latitudes et avons vécu des aventures humaines formidables. Confrontés aux absurdités liées à la crise du covid, on a joué de nos origines de corsaires malouins pour forcer le destin. Contents aussi de revenir, car sept ans, c’est long et parfois difficile. On a connu un grand bouleversement technologique il y a un an et demi avec l’installation de Starlink, le réseau de communications par satellites mis en place par Elon Musk. Avant, on se partageait 10 Go à cinq pour le mois, ce qui n’était vraiment pas grand-chose. Aujourd’hui, on peut regarder une série en streaming au milieu de l’océan. C’était aussi très intéressant de mesurer notre impact de consommation électrique sur la marche du bateau, de devoir choisir entre diminuer la vitesse ou notre consommation journalière en se passant de douche chaude ou en mangeant froid », témoigne Marin Jarry.

« Si quelqu’un allume la machine à café, le bateau ralentit. »

Jean-Sébastien Sanchez poursuit : « À bord, sur l’écran de monitoring qui permet de suivre production et consommation, on a un économètre qui indique en temps réel ce que l’on consomme. L’automate va régler la puissance des moteurs pour atteindre l’équilibre. Si quelqu’un allume la machine à café, le bateau va ralentir. S’il y a des nuages aussi. Ce bateau montre qu’avec des énergies renouvelables on peut vivre dans le confort mais qu’il faut être flexible et savoir s’adapter. Cela fait partie de la transition énergétique : d’un côté, décarboner ce que l’on consomme et, de l’autre, diminuer nos consommations ou les adapter dans le temps. Ainsi on va plutôt consommer quand on est en excès dans la journée, quitte à faire la cuisine pour le soir. »

L’équipage dispose d’un appartement de 75 mètres carrés dans la nacelle, avec sept cabines, espace de vie et cuisine. © Jean-Yves Béquignon

Jean-Sébastien Sanchez me présente le système de gestion de l’énergie. « C’est la grosse plus-value de notre travail et on le fait évoluer en permanence depuis le début. » Sur un grand écran tactile, la page générale permet de connaître exactement la production d’énergie et la consommation en temps réel. On reconnaît tous les panneaux solaires qui vont être répartis en différents groupes selon leur position et l’angle qu’ils ont sur le bateau, soit 202 mètres carrés répartis en treize champs. « Quand les panneaux sont colorés en bordeaux, ils ne produisent pas. Ils vont changer de couleur jusqu’au jaune quand ils sont à 100 pour cent sur le champ. Une cellule référence calcule le nombre de watts au mètre carré. Si l’économètre est vert, la production est supérieure à la consommation et rouge dans le cas contraire. On a toujours l’œil là-dessus et on dispose de plusieurs modes de régulation d’énergie. Avant l’installation de nos ailes, les moteurs de propulsion étaient les plus gros consommateurs d’énergie. Après, c’est devenu notre vie à bord, cuisine, chauffage, etc. »

Le pourcentage de charge des différents parcs de batteries, 24 volts pour les servitudes, 400 volts pour la propulsion, ainsi que les niveaux des réservoirs d’hydrogène figurent également sur la page principale. « Pour les batteries 400 volts, le jeu va être de les garder entre 30 et 100 pour cent de charge. Quand on est chargé à 100 pour cent, on dispose de 100 kWh, soit quinze heures d’autonomie avec une consommation normale. En matière d’autonomie, les voiles ont été d’un très grand apport. Elles sont constituées d’une membrane, un hybride du Dacron. Pour des raisons de sécurité, on avait besoin de pouvoir les amener. Dotée d’un squelette en carbone, quand la voile est étarquée, elle se comporte comme une aile rigide. S’il y a trop de vent, on peut ariser en affalant le volet arrière. » Pour permettre de passer sous les ponts et rejoindre Paris, les ailes ont été déposées à Saint-Malo.

« La pile à combustible va être notre groupe de secours et représenter 15 à 20 pour cent de notre production d’énergie sur une traversée », continue Jean-Sébastien Sanchez. « L’hydrogène utilisé à bord est “vert” car produit à partir des panneaux solaires. La chaîne de production se décompose en plusieurs étapes. L’eau de mer est d’abord désalinisée pour fournir de l’eau douce, dont une partie sera utilisée pour les besoins du bord. Puis elle va être purifiée pour obtenir une eau déionisée dont la molécule H2O sera cassée par électrolyse, afin d’obtenir séparément de l’hydrogène et de l’oxygène, ce dernier étant rejeté dans l’atmosphère. L’hydrogène est alors filtré et déshydraté afin qu’il soit le plus pur et le plus sec possible avant de franchir deux étages de compression, le premier pour monter à 150 bars et le second pour atteindre 350 bars. L’hydrogène compressé est stocké dans huit bouteilles, ou tanks, quatre de chaque bord. Quand elles sont pleines, elles stockent un total de 62 kilos d’hydrogène et conservent 2 MWh d’énergie, soit 1 MWh sous forme électrique, après passage dans la pile à combustible, et 1 MWh sous forme calorifique, car on récupère la chaleur issue de la réfrigération de la pile, pour réchauffer un ballast d’eau chaude. Et on peut même chauffer la cabine via des aéroréfrigérants. » Pour ne rien laisser perdre, l’eau douce qui sort du pot d’échappement de la pile à combustible est récupérée dans un ballast.

« Très innovant, les voiles sont entièrement pilotées par ordinateur. »

« Combien de temps peut-on naviguer avec 62 kilos d’hydrogène ? Tout dépend des conditions environnementales car l’hydrogène est complémentaire des Énergies marines renouvelables (EMR) », explique Jean-Sébastien qui prend l’exemple de deux traversées. « La meilleure, et aussi la plus longue, 27 jours de mer entre Hawaï et la Nouvelle-Calédonie – 3 300 milles –, on a consommé seulement 50 pour cent de notre hydrogène, mais on avait du soleil, avec le vent et les courants dans le bon sens. La pire, pour 800 milles entre Singapour et la Thaïlande, on a consommé 100 pour cent de notre hydrogène parce que c’était pendant la mousson, vent et courants dans le nez. »

Dans les deux cas, la vitesse moyenne a été de 5 nœuds. Quant à la vitesse maximum : « Sous ailes seules, avec un peu de courant et vent arrière, on a réussi à atteindre 16,4 nœuds sur le fond. Avec les moteurs, on a fait 12 nœuds mais les batteries dégringolaient. »

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Les voiles permettent de remonter au vent. « À 25 degrés de vent apparent, on commence déjà à diminuer sur les moteurs. On aime beaucoup établir un mixte ailes et moteur parce que s’il y a une mer un peu formée il faut louvoyer. À surface équivalente, les ailes sont 1,7 fois plus performantes qu’une voile souple classique. Ce qui est très innovant c’est qu’elles sont entièrement pilotées par ordinateur. » Le même système d’ailes vient de faire ses preuves sur Canopée, le navire qui transporte la fusée Ariane, où les économies d’énergie fossile atteignent 30 pour cent.

Alors qu’on s’approche des tanks me revient en mémoire la célèbre image du crash, le 6 mai 1937, du dirigeable allemand Hindenburg qui s’embrasa de façon spectaculaire après une fuite d’hydrogène au moment de s’amarrer à Lakehurst, près de New York. L’hydrogène étant un gaz hautement inflammable, le risque est maîtrisé à bord d’Energy Observer de la façon suivante : « D’abord, les tanks sont en extérieur. Ensuite, tous les locaux où passent des tuyaux d’hydrogène sont dépressurisés. Une alarme retentit si l’un de ces locaux est ouvert. À l’intérieur, l’atmosphère est analysée en permanence pour détecter la présence d’hydrogène. Si on atteint un premier seuil, une alarme retentit. Au deuxième seuil, le système stoppe automatiquement. Toutes les vannes se ferment et on ventile encore plus pour renouveler l’air dans le local. Une fois l’hydrogène évacué, on peut aller réparer. Cela fait vingt-cinq ans que je navigue dans la marine marchande, je suis polyvalent et j’ai fait plus de machine que de pont. Et j’ai plus peur des batteries, qui sont un des plus grands facteurs de feu sur les bateaux. J’en ai connu plusieurs avec des batteries au plomb et le risque existe aussi avec des batteries au lithium. » Croisons les doigts, rien de tel ne s’est passé à bord d’Energy Observer.

Au Svalbard, en Norvège, pendant l’Odyssée qui a permis à Energy Observer de visiter 50 pays au cours de 101 escales. © Antoine Drancey

La pile à combustible est située dans le flotteur bâbord. « On a commencé avec un générateur du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) puis on est passé au système qui équipe la voiture Mirai de Toyota. L’entreprise s’est fortement impliquée dans le projet en retirant tout ce qui était métallique et soumis à la corrosion, en faisant une série de tests en laboratoire pour analyser ce qui allait se passer en cas de mouvements de plateforme importants en termes de niveaux et comment y remédier, etc. »

La météo fait l’objet d’un suivi attentif. À la mer, Jean-Sébastien Sanchez prend plusieurs bulletins par  jour. Starlink a diminué drastiquement le temps consacré à la seule récupération des données. « Il a souvent fallu manœuvrer pour éviter le gros temps. À ses débuts, le catamaran pesait trois fois moins qu’aujourd’hui. Il a fallu recouvrir les œuvres vives des flotteurs de 15 à 20 centimètres de mousse carénée pour ajouter de la flottabilité. Les points sensibles sont les greffages sur les flotteurs, aussi on évite de prendre plus de 3 mètres de creux par le travers. Par l’avant ou l’arrière, on a déjà pris 5 ou 6 mètres et ça passe. On évite bien sûr de se mettre dans des secteurs dangereux, notamment en risque cyclonique. On a connu des frayeurs lors de la dernière traversée quand, par exemple, le meuble central de la cuisine a failli valser. »

Le permis hauturier suffit pour commander le bateau

Administrativement, Energy Observer est classé « catamaran de plaisance de type expérimental ». Il a fallu batailler au fil de seize commissions centrales de sécurité pour obtenir, au bout de trois ans, le titre de navigation définitif. Avec ce statut de navire de plaisance, le permis hauturier suffit pour commander le bateau. Aucun temps de navigation n’a donc été enregistré pour les marins qui doivent maintenant revalider leurs brevets. Compte tenu du périple réalisé dans des conditions de travail proches des navires professionnels, une dérogation serait justifiée…

Energy Observer a rejoint Saint-Malo le 15 décembre 2024. Après un grand carénage, il a repris la mer pour naviguer en zone Europe sur différents projets avec des partenaires. Depuis 2023, le navire est labellisé Bateau d’intérêt patrimonial (BIP) et Victorien Erussard ne supporte pas l’idée qu’il puisse finir comme l’Alcyone du commandant Cousteau qui végète à Caen.

Energy Observer 2 sera un navire de charge et, vers 2027, à la mise à l’eau d’Energy Observer 3, le catamaran premier du nom sera posé à terre à Saint-Malo et mis en valeur dans un espace en projet, ouvert au public et baptisé L’Observatoire de l’énergie. ◼