Une rivière, un câble, un bateau : un passage. Telle pourrait être la définition du bac à traille, un moyen de transport que Michel Philippe, qui passe une partie de sa retraite sur les rives de la Dordogne, imaginerait bien voir relier deux sections de la voie verte coupée par cette rivière entre le Périgord et le Quercy, à Mareuil. « Il y a bien un pont, mais il sert au train régional, décrit-il. La construction d’une passerelle piétonne coûterait 3 millions d’euros. Mon projet cessite 50000 euros, avec l’emploi d’un passeur à la clé. » 

Un bac à traille utilise uniquement la force motrice de la rivière. Amarré à une poulie qui peut circuler le long d’un câble tendu entre les deux berges, le bac est passif quand on le laisse face au courant, un peu comme un drapeau qui faseyerait au vent. Pour qu’il se déplace, il suffit au passeur de donner un peu d’angle à la barre et donc à la coque par rapport au courant, qui pousse le bac sur le côté, à la façon du vent agissant sur une voile… 

Sur la centaine de bacs à traille inventoriés dans le monde, chacun s’adapte à sa rivière. En Colombie-Britannique, pendant la période de fonte des glaciers, le ferry Big Bar (photo ci-dessus) utilise, pour traverser la Fraser, un débit de 7000 mètres cubes par seconde, soit 14 fois plus que celui de la Seine (en moyenne). Il peut transporter jusqu’à 9 tonnes de charge sur ses deux coques. Dans le Bas-Rhin, un trimaran construit en 2008 relie les deux berges du Rhin à Seltz-Plittersdorf. Il peut embarquer jusqu’à 78 personnes, 26 vélos et 6 voitures. 

Le catamaran du passeur Jordi Castillero, à Garcia, en Espagne, est l’héritier des bacs à traille qui franchissent là le cours de l’Èbre depuis le VIIIe siècle. En période d’étiage, le débit y est d’environ 500 mètres cubes par seconde, équivalent à celui de la Dordogne. 

Michel Philippe estime la fréquentation du passage à 1000 personnes par jour en pleine saison touristique. À titre d’essai, il imagine l’utilisation d’une barge métallique de 10mètres, capable d’embarquer quarante personnes par traversée. Par la suite, une barge traditionnelle en bois pourrait la remplacer.