Construite en 1920, dans le cadre de l’ambitieux projet du port de pêche de Keroman, à Lorient, la glacière demeure globalement en bon état, malgré les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, même si son enduit en ciment grisâtre lui donne aujourd’hui une apparence peu flatteuse. Pourtant, la décision a été prise, à la fin de l’année dernière, de la démolir, cent ans après son édification, sans que rien ne justifie aujourd’hui la destruction d’un bâtiment aussi durable, qui fait partie de notre patrimoine. Pourquoi opposer modernisation du port de pêche et conservation de la glacière ?

Il s’agirait là d’un véritable anachronisme : avec l’épuisement des ressources naturelles en vue, l’explosion de la production de CO2 et le dérèglement climatique, démolir devrait être désormais l’exception. D’autant que, débarrassée de son enduit ciment, si la glacière nous présentait aujourd’hui ses façades faites de beaux blocs de pierre, comme le montrent les photos de sa construction, sa démolition n’irait sans doute pas de soi.

Il faut sauver la glacière, d’abord parce qu’elle fait partie de l’histoire de Lorient et de son port ; culminant à 35 mètres, elle est un élément saillant de sa silhouette paysagère, vue de la terre comme de la mer, ensuite parce que sa démolition, outre son coût annoncé d’un million d’euros qui sera assurément largement dépassé, produira près de 10 000 mètres cubes de maçonnerie, soit plus de 20 000 tonnes de déchets ! Le coût a d’ailleurs été l’une des raisons énoncées pour l’annulation de la démolition de la base sous-marine désaffectée de Keroman, tout près de la glacière.

Il faut faire confiance à l’inventivité, à la créativité des acteurs d’aujourd’hui pour réinventer la glacière et lui écrire un avenir : lancer un appel à projets, un appel à idées, un appel à manifestations d’intérêt, que sais-je encore ; les solutions comme les approches ne manquent pas aujourd’hui, à l’instar de ce qui a été fait sur la base sous-marine.

Implantée au bout de l’avenue de la Perrière, il n’y a pas meilleur endroit pour installer, par exemple, un espace pédagogique, un lieu d’expositions et de conférences dédié à l’industrie maritime et portuaire. La structure intérieure de la glacière, faite de poteaux, poutres et planchers en béton armé, présente des plateaux faciles à aménager. Enfin, la glacière offre également un belvédère idéal pour découvrir toute la rade, le port et la ville.

Philippe Prost, architecte urbaniste, Paris (75)