L’association Pleine Mer publie un rapport accablant sur la pêche industrielle en Europe, ciblant notamment deux sociétés néerlandaises qui profiteraient de la politique européenne de soutien à la pêche pour dégager de grands bénéfices.

Un rapport de l’association Pleine Mer publié en octobre 2021 par Transnational Institute (TNI) met en lumière les réalités du secteur de la pêche en Europe. Depuis les années 1980, les stocks de poissons diminuent. Mais les pêcheurs ne sont pas tous responsables de la même façon. La surpêche est alimentée par un petit nombre de très grands navires appartenant à des multinationales qui, grâce à du lobbyisme et une organisation complexe (rachat d’entreprises étrangères, contrôle de toute la chaîne de production) peuvent s’accaparer les prises et les bénéfices.

 

Une marée peut rapporter 2 millions d’euros aux grands armateurs

À la tête d’un empire où l’accumulation des droits de pêche se mêle à la monopolisation des fonds publics et aux pratiques douteuses, elles sont parmi les plus puissantes d’Europe. Encouragées par une compétition – on pense à l’armada de navires chinois venus pêcher au large des Îles Galápagos – les entreprises construisent des navires plus grands, plus efficaces, pouvant rester des mois en mer et produire des tonnes de poissons par jour. Une marée peut ainsi leur rapporter plus de 2 millions d’euros…

Le rapport se penche notamment sur le cas de deux sociétés multinationales, Cornelis Vrolijk et Parleviet & Van der Plas (P&P) – basées aux Pays-Bas – qui, soutenues par un contexte politique favorable à la pêche industrielle, prospèrent.

 

Comment ces armateurs s’y prennent-ils ?

P&P et Cornelis Vrolijk récupèrent des droits de pêche en adoptant le pavillon du pays dont ils cherchent les quotas, rachètent des navires ou créent des filiales. Le baptême du navire-usine Scombrus à Concarneau, en septembre 2021, en est une illustration flagrante : d’une longueur de 81 mètres, le navire appartient à la filiale française de Cornelis Vrolijk, France Pélagique, qui leur permet de s’accaparer les quotas de pêche français. Comme cela a été le cas en Allemagne, où Cornelis Vrolijk possède 100 pour cent de leurs quotas de maquereau… L’Union européenne a établi en effet cinq types de quotas, basés en amont sur des recommandations scientifiques. Les quotas individuels, par navire et basés sur la quantité de poissons pêchés au cours des dernières années, sont de fait favorables aux grands navires. Les quotas individuels transférables (QITs) sont des droits de pêche accordés aux pêcheurs ou entreprises et pouvant être achetés, loués, ou échangés sur le marché… Les multinationales, disposant de plus de moyens financiers, peuvent donc surenchérir lors des  ventes des quotas. Il existe aussi les quotas communautaires, pouvant être répartis entre membres d’une communauté, et les organisations de pêcheurs néerlandaises représentent en majorité les intérêts des industriels. Enfin les quotas rationnés – basés sur la quantité de ressource disponible –, et les quotas nationaux…

La technologie de ces navires-usines leur donne accès à de nouvelles zones d’exploitation qui aggrave la surpêche. « Partout en Europe, la surpêche menace les pêcheries artisanales – les bateaux de moins de 12 mètres –, qui, sans poissons, ne pourront assurer leur subsistance, précisent les auteurs du rapport. Les grandes entreprises, en revanche, déploieront leurs efforts vers des zones plus éloignées où le poisson est plus abondant, et leurs dépenses additionnelles de carburant seront subventionnées. » Arnaud Jouny

L’association publie sur son site une cartographie des circuits courts de la pêche artisanale pour guider le consommateur vers les bonnes pratiques et la consommation durable.

Lien vers le rapport de l’association Pleine Mer ici