Lancé en 1948 à Pukavik, en Suède, le trois-mâts Orion fit le transport du bois en mer Baltique jusqu’en 1974. Racheté en 1979, il est transformé en vedette de cinéma par la société de production Square Sail (CM134) qui lui offre une restauration et le rebaptise Earl of Pembroke. Une douzaine de films (L’île au Trésor, Le Comte de Monte Cristo, Alice au pays des merveilles ou Cloud Atlas) figurent à son palmarès. Désormais, c’est en les regardant qu’on se souviendra de lui. Car, passé entretemps aux mains de la compagnie Scarlet Sails, le trois-mâts, basé depuis cinq ans à Den Helder, en Hollande, a été démoli près de Kampen. Le coût de son entretien et d’une éventuelle rénovation était jugé excessif.

Le trois-mâts goélette De Wadden, lui, a été lancé aux Pays-Bas en 1917. Depuis 1984, il appartenait au musée maritime de Merseyside, à Liverpool, où il était exposé, à sec, dans une forme de radoub. Quille abîmée, distorsion des bordages, gouvernail à remplacer, mâts et gréement dormant à revoir… Le bateau avait besoin de travaux importants pour être stabilisé, d’un coût prohibitif selon le musée, qui préfère concentrer ses efforts sur deux autres pièces de sa collection, le cotre pilote Edmund Gardner et le remorqueur Brocklebank. Le groupe de travail qui a planché sur les solutions de sauvetage du Wadden l’a proposé à d’autres musées et à la vente aux particuliers. Les acheteurs ont jusqu’au 6 février pour se faire connaître, faute de quoi le musée engagera la déconstruction de ce navire vieux de cent cinq ans.

Venant conclure cette série de navires en fin de vie, Norden, construit en 1870 à Skonevig en Norvège pour le cabotage, a été acheté en 1976 par un Allemand avant de changer plusieurs fois de mains. Son propriétaire actuel l’avait repris en 1988 et l’avait restauré pour naviguer au charter. Ce cotre de 28 mètres pouvait accueillir trente passagers et participait à de nombreux rassemblements maritimes. Il a été sorti de l’eau en novembre dernier à Neustadt pour être démoli.

Ces trois histoires qui s’achèvent presque en même temps, dans des pays où la culture du patrimoine maritime est forte, sont sans doute le fait d’une simple coïncidence. Incidemment, elles disent peut-être autre chose, ou elles devraient nous alerter : le patrimoine maritime est-il menacé ? Faut-il alors réfléchir à d’autres moyens de le préserver et de le valoriser ? Peut-être faut-il aussi se battre davantage pour qu’elles n’annoncent pas l’avènement d’un temps où la mémoire s’effacerait devant des considérations strictement financières.

◼ N.C.

Crédit photo : © HOEBEN METALEN/RDM BV