Pierre Delaveau, trente ans, a repris cette saison la barre d’O’Abandonado, transmise par Luc Archambeault, le sauveur de ce galeão du Portugal, célèbre sur la côte atlantique. Lancé en 1916 à Setúbal, au Portugal, pour la société Mesquita, le voilier a changé plusieurs fois de mains pendant sa vie de travail entre pêche au thon et cabotage, notamment pour le transport de sel, de bois ou d’huile d’olive. En 1968, il est volontairement coulé par son patron dans un bras du Rio Sado, le transport routier ayant supplanté le bornage maritime.

Le bateau est découvert en 1982 par Luc Archambeault qui, après avoir vérifié que les parties immergées dans la vase étaient saines, décide de le renflouer et de le restaurer au chantier Manel Viana de Setúbal. Après quatre ans de travaux, le bateau reprend la mer pour venir à Noirmoutier et aux fêtes de Douarnenez 86. Jusqu’en 1990, il navigue sur les côtes portugaises avec ses nouveaux propriétaires qui organisent des croisières vers l’Espagne et le Maroc. Depuis 1991, Isabel et Luc Archambeault proposaient des balades en mer, avec découverte de la manœuvre d’un bateau traditionnel, au départ de l’île de Noirmoutier.

L’âge venant, il fallait envisager de passer la main. Pierre Delaveau, alors matelot à la Brittany Ferries, a vu l’annonce de la vente d’O’Abandonado et contacté Luc. Quelques mois plus tard, il s’installait à l’Herbaudière avec sa femme et ses quatre enfants et devenait propriétaire du bateau en mars 2019. Il a fait la saison suivante comme matelot auprès de Luc et, cette année, les deux hommes ont inversé les rôles, ce qui permet à Pierre de continuer à s’imprégner en douceur de l’histoire du bateau et à Luc ne pas lâcher brutalement la grande affaire de sa vie.

Un passage de relais idéal, même si la saison 2020 a été un peu compliquée. Pour rentabiliser sa jeune société, Pierre assure deux sorties de deux à quatre heures par jour et le vendredi, ça peut aller jusqu’à quatre : « Faut envoyer de la toile ! » Cette formule permet de compenser les pertes des premières semaines, dues au confinement, mais aussi de rentrer à la maison chaque soir pour profiter de sa vie de famille. Plus tard, Pierre, qui déborde d’énergie et dit « avoir quinze projets par seconde », aimerait organiser une à deux croisières plus longues, en juin et septembre, pour profiter vraiment du plaisir de naviguer sur cette belle unité qui connaît décidément une heureuse fortune.