À Narbonne, sur le chantier d’insertion du Parc naturel régional de la Narbonnaise en Méditerranée, Espérance, lancé en 1881 au chantier Vidal à Agde, est en cours de restauration complète par Yann Pajot et son équipe. Inscrit au titre des Monuments historiques depuis 2009, ce bateau-bœuf (CM 89) de 14 mètres de long et de 4,70 mètres de large, gréé d’une voile latine, a servi à la pêche au chalut, avant de travailler, à partir de 1944, au départ de Nice comme avitailleur sur des chantiers de travaux sous-marins, de déminage, de recherche d’épaves. Il fait ensuite un petit tour en Europe du Nord pour quelques travaux de restauration et y navigue avant de revenir en Méditerranée dans les années 1980, où il a été armé à la plaisance pendant une vingtaine d’années.

Au tournant du millénaire, il est désarmé, attendant son heure au quai de Canet-en-Roussillon : en 2008, il est à nouveau racheté et part pour Agde, où il finit par couler dans l’Hérault. De nombreuses tentatives de renflouement infructueuses entraînent la rupture de la coque dans sa longueur. C’est grâce à l’intervention de l’entreprise BLM et du chantier du Guip que celle-ci est finalement sortie de l’eau en 2012. La ville d’Agde en devient propriétaire et confie la restauration au chantier d’insertion. Les travaux commencent vraiment en 2020, après la livraison par celui-ci du pailebot Miguel Caldentey.

Après un relevé des formes, une épure à l’échelle permet le gabariage et la réalisation de huit couples sur la longueur, avant de lisser la coque pour finaliser la restitution de la charpente transversale.

À l’heure où nous bouclons ce numéro, les préceintes et les bauquières sont posées. Les apprentis charpentiers en réinsertion s’attaquent désormais au barrotage du pont, à la pose des bordages, et au débit du gréement dont les parties de l’antenne, de 17 mètres. Yann Pajot espère finir les travaux pour la fin de l’année 2023 : Espérance emmènera ensuite ses passagers à la découverte du littoral, d’abord en naviguant au moteur… À terme, la ville espère pouvoir former un équipage expert ès voile latine, capable de manier ses quelque 200 mètres carrés de toile.

 

Lire aussi

Les bateaux-bœufs de Sète, article publié dans le Chasse-Marée n°89 en mais 1995.

Par Bernard Vigne – Introduite par les pêcheurs catalans au XVIIIe siècle, la pêche au bœuf va faire bien des émules sur la côte languedocienne, en dépit des protestations qu’elle suscitera. Cette technique, consistant à traîner à deux bateaux un chalut sans perche appelé gangui, va donner naissance à un type de voiliers spécialement conçus pour elle : les bateaux-bœufs, issus des tartanes de pêche provençales. Grâce aux témoignages recueillis auprès d’anciens marins sétois, Bernard Vigne nous présente la construction, la navigation et la technique de pêche à bord de ces superbes voiliers de travail latins, qui étaient particulièrement nombreux dans le port de Sète au début du siècle.