Au début du XVIIe siècle, dans le Nord-Est de l’Amérique, la France tente d’étendre son emprise sur la région, composant avec les peuples autochtones pour sécuriser le territoire et le commerce des fourrures, face aux menées de l’Angleterre… C’est en nous présentant ce contexte que débute la petite exposition Wampum, perles de diplomatie, au musée du quai Branly-Jacques-Chirac, à Paris. Les traités d’alliance entre les Français et des peuples établis le long du fleuve Saint-Laurent voisinent avec des colliers de perles blanches, noires et violettes, faites à partir de coquillages.

« On appelle ces perles des wampums, explique Paz Núñez-Regueiro, commissaire de l’exposition. Leur origine n’est pas bien connue, mais on sait que les Autochtones les utilisaient comme parures. Avec l’arrivée des Européens, les wampums ont revêtu une valeur diplomatique, devenant des symboles de la parole sincère. Pour conclure un traité, nouer une alliance ou faire du commerce, le demandeur présentait à son interlocuteur un collier de wampums. Si ce gage était accepté, cela signifiait que la proposition convenait. Le demandeur recevait en échange un autre collier matérialisant son propre engagement. Sans wampums, aucune parole n’était considérée comme sincère. »

Paz Núñez-Regueiro et ses collègues se sont plongés en 2019 dans les textes et la petite collection de colliers de wampums conservés en France, donnés au cours des XVIIe et XVIIIe siècles par les peuples alliés. Ils se sont surtout tournés vers des Abénakis, des Hurons-Wendat et des Haudenosaunee (Iroquois) du Canada et des États-Unis actuels, qui utilisent encore ces colliers – une coopération qu’on découvre tout au long de l’exposition grâce aux interviews des représentants des différents clans ayant participé aux recherches.

Si une telle valeur symbolique était prêtée aux wampums, c’était notamment parce qu’il fallait faire preuve d’une extrême dextérité pour tailler, polir puis percer dans la longueur ces petites perles cylindriques de 4 millimètres de diamètre. « Avant l’arrivée des Européens, les perles étaient façonnées avec des outils en silex, reprend Paz Núñez-Regueiro. L’usage des alênes métalliques a facilité cette activité. »

Les coquillages utilisés, le buccin (Buccinum undatum) et le quahog (Mercenaria mercenaria), provenaient de la côte atlantique : les peuples de l’intérieur des terres, le long de la vallée du Saint-Laurent ou de la région des Grands Lacs, les échangeaient contre d’autres marchandises avec les tribus côtières. Les femmes se chargeaient de la création des colliers en vue d’une rencontre diplomatique ou en réponse à une proposition, et les hommes les remettaient. Les Européens ont dû s’adapter aux protocoles diplomatiques autochtones et se sont mis, eux aussi, à produire des colliers de wampums pour pouvoir négocier leurs alliances militaires et commerciales. Les Ursulines de Québec, quant à elles, ont appris les techniques des femmes converties et accueillies dans les couvents, et ont produit des objets destinés au marché des curiosités en France, à l’instar de la maquette d’un canot d’écorce présentée ici, accompagnée de petites figurines dont l’une porte un collier de wampums.

Les peuples amérindiens perdent, à partir de la fin du XVIIIe siècle, leur influence et leur autonomie face aux États d’Amérique du Nord, et l’usage du wampum se limite bientôt à la sphère autochtone. Il revêt aujourd’hui encore une symbolique importante pour ces communautés, qui continuent d’en produire. M. L.-C.

Exposition Wampum, jusqu’au 15 mai, au musée du quai Branly-Jacques-Chirac, à Paris.