Camogli est un joli petit port italien bordé de très hautes maisons ocre, vertes et rouges, proche de Portofino, en Ligurie. On y trouve la dernière tonnara (madrague) de la région encore en activité et le petit musée maritime de Gio Bono Ferrari où l’on peut admirer de nombreux modèles, divers instruments de navigation et objets de mer, et même une collection de bateaux en bouteilles. Tous témoignent de l’intense activité maritime de la ville au XVIIIe et XIXe siècles. Le sanctuaire de Nostra Signora del Boschetto, construit, selon la tradition populaire, en un lieu où serait apparue la Vierge au cours du XVIe siècle, accueille aussi une extraordinaire collection d’ex-voto qui a été inaugurée l’été dernier, avec une nouvelle muséographie.

Très soignée, celle-ci présente plus de soixante-dix œuvres qui permettent au grand public de découvrir le temps où les voiliers locaux naviguaient sur tous les océans, surmontant d’innombrables dangers et tempêtes. Cette collection est particulièrement intéressante par son homogénéité : tous ces ex-voto ont, en effet, été réalisés entre 1830 et 1890, période qui marque la montée en puissance de la flottille de Camogli, qu’on appelait alors « la ville aux mille voiliers ». Le port déclinera par la suite, les armateurs locaux tardant à se convertir à la propulsion à vapeur.

L’exposition est enrichie par des panneaux explicatifs sur les auteurs de ces ex-voto, les marins et leurs activités. Les élèves du Lycée maritime local ont aussi accompagné chaque peinture d’une carte indiquant, en latitude et longitude, le point exact où l’événement auquel fait référence chaque ex-voto s’est produit.

Parmi toutes ces œuvres, certaines ont été peintes par des artistes établis à Marseille : quelques-unes sont signées par des membres de la dynastie Roux, bien connue, d’autres par Nicolas Cammillieri, remarquable de précision. Cela n’est pas tellement surprenant, car les armateurs de Camogli ont fréquenté assidûment la cité phocéenne à partir de 1830, transportant des matériaux à la demande de l’armée française, engagée dans la conquête de l’Algérie. Ils profiteront aussi de la guerre de Crimée, au cours de laquelle ils peuvent pratiquer des taux d’affrètement particulièrement élevés : au cours de ce conflit, qui vit le Royaume de Sardaigne allié à la France et la Grande-Bretagne, le transport maritime était si lucratif qu’un seul voyage pouvait, dit-on, payer un voilier. La plupart des ex-voto postérieurs à 1850 sont dus, eux, à des peintres génois : Domenico Gavarrone, qui ne néglige aucun détail de coques et de gréement, Canetta qui se distingue par des couleurs très vives ou Angelo Arpe, particulièrement habile dans la composition de ses scènes.

L’ex-voto maritime, comme le soulignait l’historien Michel Mollat du Jourdin, est présent sur toutes les côtes européennes. On en trouve non seulement en Méditerranée mais aussi en Atlantique, Manche et mer du Nord. Le protestantisme n’a pas expulsé totalement ces œuvres des sanctuaires anglais, allemands et scandinaves. Dans les églises danoises, on retrouve ainsi des petits bas-reliefs où prédominent l’intention commémorative d’un événement et la dévotion.

Pour autant, ces œuvres n’ont pas toujours été préservées. Elles étaient autrefois considérées comme de simples témoignages de foi, sans prétention artistique, et leur valeur historique était souvent jugée limitée. C’est pour ces raisons qu’elles ont souvent été dispersées : beaucoup ont été vendues à des antiquaires, quand elles n’ont pas été simplement volées. Ce n’est que depuis quelques décennies qu’au-delà de leur caractère sacré, elles ont été reconnues comme de précieux témoignages de l’histoire de la navigation et de la vie des communautés côtières. • Giovanni Panella