Sur la rive droite de l’estuaire du fleuve Saint-Laurent, au Québec, dans le village du Bic (Rimouski), le charpentier de marine Daniel St-Pierre a réhabilité un ancien moulin à eau avant d’ouvrir son atelier en 2003. Si son objectif est de faire revivre l’activité de chalouperie dans cette région, il doit néanmoins effectuer, pour des raisons de trésorerie, beaucoup de travaux de charpente sur des crabiers. Quelques années plus tard, il parvient enfin à construire une première chaloupe à rame dite « Verchères », embarcation à fond plat, longue d’environ 4 à 5 mètres, pouvant accueillir un ou deux pêcheurs, et apparue dans les années 1870 sur le fleuve Saint-Laurent. En 2007, il est rejoint par un apprenti, Pierre-Luc Morin, devenu depuis son associé. L’activité de chalouperie est lancée, avec les commandes de chaloupes Verchères qui affluent régulièrement.

En 2019, le parc national d’Opémican, situé à la frontière entre l’Ontario et le Québec, demande aux charpentiers du Bic de construire deux chaloupes de drave – appellation courante du flottage de bois en français canadien. Ces bateaux, longs de 10 mètres, propulsés à l’aviron, « servaient aux draveurs pour descendre les rivières et les fleuves afin de contrôler que les troncs mis à l’eau après l’hiver ne s’accumulent pas en un endroit », précise Daniel.

En décembre, les deux chaloupiers du Bic ont terminé la première partie de la commande, soit une charpente seule, qui sera exposée dans une ancienne chalouperie des rives du lac de Témiscamingue, au sein du parc d’Opémican. Daniel et Pierre-Luc se sont ensuite attelés à la construction du second bateau. Propulsé par six rameurs, et pouvant accueillir au total dix personnes, ce dernier  sera utilisé par le parc pour des promenades guidées sur le lac. Un petit moteur électrique d’appoint sera installé pour les manœuvres. « La structure de mes bateaux est toujours construite en bois massif d’épinette – nom québécois de l’épicéa –, parfois de cèdre, détaille Daniel. Le reste est en contreplaqué stratifié. »

À l’heure où nous bouclions ce numéro, la chaloupe, terminée, était en passe de rejoindre le lac de Témiscamingue pour la saison à venir.