Le souterrain de Riqueval dans l’Aisne, inauguré par Napoléon en 1810, permet au canal de Saint-Quentin de passer sous les collines du Vermandois qui ont été creusées sur 5,60 kilomètres. Conçu à l’époque de la traction animale, son dimensionnement n’était pas pensé pour accueillir de ventilation. Avec l’avènement des péniches automotrices au milieu du XIXe siècle, les équipages risquaient l’asphyxie dans le tunnel : c’était pourtant la seule voie navigable entre le Nord et Paris, qui faisait l’objet d’un trafic intense, puisqu’elle était utilisée notamment par les houillères du Nord-Pas-de-Calais.

La solution trouvée pour franchir l’ouvrage fut la mise en place d’un toueur à manège en 1863 : on immergea une forte chaîne de près de 8 kilomètres sur le fond, sur laquelle devait se déhaler le toueur, bateau remorqueur équipé d’un gros guindeau, d’abord mû par un manège à chevaux, puis depuis 1910 par l’électricité. À sa suite, un train de péniches était amarré, pouvant mener jusqu’à trente-deux bateaux. Depuis 1965 cependant, le canal du Nord, construit parallèlement, a rendu obsolète cette voie navigable, autant par son tracé que par sa taille : ses écluses de 91 mètres de long permettent à deux péniches de 38 mètres amarrées l’une derrière l’autre de l’emprunter.

Le trajet par le canal du Nord faisant au minimum gagner dix heures et demi par rapport à celui qui emprunte le canal de Saint-Quentin, le trafic de ce dernier s’est donc drastiquement réduit. Le toueur électrique a pourtant continué à fonctionner, fêtant allègrement ses cent ans de service ininterrompu en 2010. Depuis 2013 et l’arrêt du toueur du tunnel de Mauvages sur le canal de la Marne au Rhin, il était même devenu le dernier toueur de France.

En 2021, Voies Navigables de France (VNF) a procédé à des essais de passage de péniche dans le souterrain pour évaluer les émanations de dioxyde d’azote et de co2 lors d’une traversée. En laissant passer une à deux heures entre chaque bateau pour que les fumées se dissipent, on a conclu qu’on pourrait se passer de toueur, sans impacter le trafic actuel. L’heure du toueur de Riqueval avait sonné, VNF mettant par ailleurs en cause sa fiabilité et une charge importante en coûts de maintenance et d’exploitation.

Le bateau sera donc désarmé en 2023, mais son souvenir survivra au musée du touage, à Saint-Quentin, animé par l’office de tourisme, qui veille déjà sur le précédent toueur de 1910, Ampère 1.