« J’avais le choix entre écrire une thèse assommante qui ne serait lue par personne ou rédiger un livre qui traiterait la question dans sa globalité. » Alors Jacques Blanken a choisi de publier un livre. Et bien lui en a pris, puisqu’à ce jour, au bout d’un an et demi, il s’en est vendu un peu plus de 2 000 exemplaires.

Saisi par les Anglais

Un chiffre qui devrait encore augmenter, puisque l’ouvrage, dont la couverture et 75 illustrations ont été réalisées par Fañch Moal, n’est pas épuisé, et qu’il va bénéficier de la publicité de cette médaille de l’Académie de marine, qui lui sera remise le 16 octobre.

Le collaborateur régulier du Chasse-Marée a eu l’idée d’écrire cet ouvrage à force de se plonger dans les archives des Douanes, à Quimper. Sa curiosité ne cessait d’être piqué par l’expression « saisi par les Anglais » ou des formules équivalentes.

« Ensuite c’est surtout la littérature anglaise qui m’a fourni la matière », explique-t-il. Mais pas que. En fouillant, en croisant les archives avec des documents fournis par Bernard Cadoret ou des documents comptables fournis par un constructeur quimpérois, il a réussi à amasser des informations sur l’histoire du commerce dit « interlope », dont les profits dépassaient, à certaines époques, ceux du commerce légal entre la France et l’Angleterre.

Si au XVIIe siècle ce commerce illégal a consisté d’abord, pour les Anglais, à exporter la laine et importer le sel, il s’est vite étendu, tout au long du XVIIIe, à toutes sortes de marchandises : l’étain, la soie, les épices, le thé (très prisé), le café, l’alcool bien sûr (genièvre et eau-de-vie), et même de l’or sous Napoléon).

Les contrebandiers se sont très vite mis à utiliser des navires très rapides, avec lesquelles ceux des douaniers n’arrivaient bien souvent pas à rivaliser (les normes réglementaires les empêchaient d’en construire des aussi efficaces).

Une affaire d’armateurs

Tant et si bien que les prisons anglaises étant remplies d’un certain nombre de Français et vice-versa. Si des échanges ont parfois eu lieu, la règle était plutôt le paiement de rançon, afin de sortir des compatriotes des geôles étrangères. « La prison des Jacobins, à Morlaix, était très humide, un lieu abominable. »

Car la contrebande, « smuggling » en anglais (terme à l’origine de l’étrange « smogleurs », qui donne son titre à l’ouvrage), n’était pas une affaire d’amateurs. Mais plutôt d’armateurs, habitués à des conditions de vie différentes de celles qu’on goûte habituellement en cellules.

Et sur le sujet, même si, en interview, il ne cite pas de noms (ils sont dans le livre), Jacques Blanken n’y va par quatre sentiers (des douaniers) : « Au Royaume-Uni, dans le petit port de Polperro, il y a un musée de la contrebande maritime, mais en France : silence. Toutes les belles maisons de Roscoff, on dit qu’elles ont été construites par des « armateurs ». On n’emploie jamais le terme de contrebandier. »

Seulement à Roscoff ? Et les autres ports de Manche ? « La contrebande existait partout bien sûr, mais à Roscoff et Morlaix elle était institutionnelle. » Plus de détails… dans le livre.

Contrebandiers, smogleurs en Manche, histoire d’un commerce interlope, de Jacques Blanken, illustré par Fañch Moal, est édité chez Locus Solus.
Ouest France, le 20 juillet, par Audric Guerrazzi.