Le 22 juin 2008, le Kreiz er Mor pavoisé effectue son ultime vacation entre Lorient et l’île de Groix, après quarante ans de service. Ce navire de 39 mètres de long va alors stationner deux ans à Lorient, avant que le conseil départemental du Morbihan ne le revende à la compagnie Finist’mer, opérateur de liaisons avec les îles de l’Iroise qu’elle souhaitait développer. Cette perspective étant abandonnée, le navire, désormais mouillé à Nantes sous le pont de Cheviré, se cherche un destin. Un armateur comorien désireux de l’exploiter dans l’océan Indien s’en porte acquéreur, mais son projet s’enlise à son tour… Jusqu’au jour où il reçoit le renfort des frères Grégory et Patrick Psalida, deux entrepreneurs d’origine marseillaise établis depuis vingt ans à Madagascar. L’ambition du trio est d’armer le Kreiz er Mor au transport de fret et de passagers sur une ligne régulière de trois rotations mensuelles entre Majanga (Madagascar) et Moroni (Comores), deux ports distants d’environ 500 milles.

Cette nouvelle vocation suppose une refonte complète du bâtiment. Ce dernier nécessite d’abord un grand carénage pour soigner la lèpre consécutive à ses dix ans d’immobilisation. Il faut aussi le réagencer : déposer la bigue, car les manutentions seront assurées par les moyens de levage portuaires et une armée de dockers, et parce que la plage avant doit pouvoir accueillir trois conteneurs réfrigérés pour les denrées alimentaires ; condamner la porte latérale du pont-garage, qui sera transformé en cale ; aménager de nouveaux logements pour l’équipage et les passagers, le nombre de ces derniers étant diminué de moitié (deux cent cinquante au lieu de cinq cents) ; tropicaliser le navire, notamment en y installant un circuit d’air conditionné…

Confié au chantier de l’Esclain, l’ancien courrier a été mis au sec sur l’ancienne cale des chantiers Dubigeon. Les travaux seront menés à bien durant l’hiver et le navire, rebaptisé Kreiz tout court, qui bat déjà pavillon de Madagascar, doit appareiller ce printemps à destination de l’océan Indien. Pour ce périple de plusieurs mois, passant par le cap de Bonne-Espérance, les cales seront bourrées de fret humanitaire (médicaments, manuels scolaires, etc.). Les frères Psalida, qui ont fondé dans la foulée l’association Des bateaux pour Madagascar, entendent ainsi œuvrer pour le développement économique de leur pays d’adoption.