Au sec, sous un hangar, entre bottes de paille et champs d’artichauts, repose Loguel ar Rastel, un canot paimpolais de 4,50 mètres, né en 1962 au chantier Daniel. Il a des formes harmonieuses (jolie tonture, muraille évasée, étrave inclinée) et une valeur sentimentale : c’est un cadeau d’anniversaire surprise ! Yvon Rochard l’a découvert, en présence de ses amis, un jour de mai 2008 sur la grève de l’Île-Grande (22), tout près de la maison qu’il partage avec Marie-Jo…

Bien que né à l’Arcouest, face à Bréhat, Yvon a une culture plutôt rurale. Son ami Loïc Corouge, de Pors-Even, lui, est fils de marin : « Petit, je fabriquais des radeaux avec des bidons et des civières à huîtres. Le jour où avec l’un d’eux j’ai réussi à dépasser la digue, mon père a dit : “Ça suffit les conneries !”, et il m’a acheté mon premier canot. » Beaucoup d’autres ont suivi. Yvon et Loïc se sont connus au primaire et leur amitié a grandi en même temps qu’eux.

Quand le Loguel a montré des signes de fatigue, après plus de dix ans d’échouages et de cabotages îliens (sans compter une ou deux échappées en douce de son mouillage), la première idée d’Yvon a été de s’en séparer. « Le restaurer était hors de ma portée. » Loïc l’a convaincu du contraire. « Ses formes sont belles, c’est un bateau du pays, il mérite d’être prolongé. Et puis c’est bien de le faire ensemble. »

Alors, depuis début 2019, ils se retrouvent un jour par semaine à Plouguiel autour du Loguel. Ils travaillent, pique-niquent, commentent l’actualité, et s’y remettent. Avec un plateau de niangon, ils ont déjà refait la préceinte, le tableau, des bordages et membrures ici et là, un violon pour renforcer le banc de mât. Reste le pont à refaire en contreplaqué marine, et l’hiloire. Un coup de peinture et, hop, ils remonteront les lettres en laiton de son drôle de nom : Loguel ar Rastel pour « l’abri à râteau » ou la « dépendance du château », on ne sait pas très bien au juste.

Les deux amis espèrent le remettre à l’eau pour l’été. « On est optimistes ! On l’a toujours été… avec des blancs. Quand on a commencé à le démonter et qu’on a vu le travail… Mais il faut faire ce qu’il y a à faire », répète Loïc, stoïque. Alors, ils font, en saluant le savoir-faire du charpentier, se trompent un peu, recommencent. Ils s’amusent et plaisantent, ils ne sont pas pressés. Ils ont un bateau et toute une amitié à partager. Nathalie Couilloud